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correspondante, puisqu’elle comprend : d’abord les femmes et les enfants, puis tous les hommes trop âgés pour s’être battus. Il faudra de plus, dans bien des cas, produire au moins partiellement le travail utile négligé pendant quatre ou cinq ans, reconstituer des stocks consommés jusqu’à la dernière miette. Cette difficulté de main-d’œuvre n’arrêtera peut-être pas les grosses industries, qui peuvent, à coups de millions, appeler les travailleurs du monde entier et qui exercent, sur les ouvriers nationaux, l’attraction des gros salaires et de la vie urbaine. : On peut la prévoir particulièrement aiguë pour l’agriculture, qui était déjà délaissée et qui, en dépit des efforts à tenter pour repeupler nos campagnes, le sera de plus en plus. Le mouvement d’émigration si regrettable, par lequel la population est entraînée vers les villes, a gagné en intensité pendant la guerre, comme il est aisé de s’en rendre compte en constatant le nombre croissant d’habitants dans les agglomérations. Si lamentables que puissent être les conséquences de cet exode, il est plus aisé de le déplorer que de réagir efficacement. Bien rares sont les ruraux lassés par la misère des villes qui retournent à la vie paisible, mais monotone, des champs. Quant aux efforts faits avec tant de raison pour pousser à la repopulation, outre que les effets doivent en être à échéance lointaine, on peut craindre qu’ils soient tout au moins contre-balancés par le massacre de toute une génération décimée dans ses éléments les plus robustes. Il va donc se poser là un problème très aigu, dont nous allons commencer par préciser et particulariser les données. Nous verrons ensuite les moyens que l’on peut adopter pour lutter contre le mal : meilleur emploi de la main-d’œuvre nationale masculine par le travail scientifique, par le machinisme ou simplement par une atténuation des luttes sociales, utilisation partielle des femmes et, dans la mesure où ce sera néanmoins indispensable, appel aux étrangers.

Pour cette difficulté comme pour les autres, c’est naturellement le cas de la France qui nous intéresse. Nous allons donner quelques chiffres concernant notre pays ; nous y joindrons ceux relatifs à l’Allemagne pour montrer qu’atteinte du même mal, elle sera, là encore, notre concurrente.

En France, la disette de main-d’œuvre, qui se manifestait déjà avant la guerre, mais qui va subir une aggravation fatale, affecte surtout deux groupes de travaux, dont les besoins ne