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sont pas identiques, dont les salaires sont différents et pour lesquels il faudra adopter des solutions indépendantes, en évitant les compétitions : d’un côté, l’agriculture ; de l’autre, les grosses industries comme les mines ou la métallurgie et les travaux publics. Pour les ouvriers spécialisés, on peut espérer que la gêne sera moins sensible, d’autant plus qu’une tendance logique, sur laquelle nous allons insister, devra nous porter à diriger nos ouvriers français, de formation intellectuelle plus développée, vers des tâches plus raffinées et plus délicates, en abandonnant le gros œuvre aux étrangers, souvent exotiques, dont nous adopterons le concours. L’agriculture comporte un emploi saisonnier qui peut s’accorder assez aisément avec les besoins de nos voisins méridionaux. Les mines nécessitent une main-d’œuvre permanente, ou tout au moins constamment renouvelée, avec des aptitudes physiques que l’on ne rencontre pas dans toutes les populations étrangères, auxquelles nous pourrons recourir.

Notre population agricole décroissait d’année en année avant la guerre. Entre 1901 et 1906, le nombre des agriculteurs avait diminué de 2 080 000 à 1 970 000 et celui des femmes occupées aux champs de 802 000 à 688 000. C’est ainsi qu’on avait été amené à importer de plus en plus de la main-d’œuvre étrangère. Vers 1914, il venait, chaque été, pour nos cultures, 50 à 60 000 étrangers saisonniers : 30 à 40 000 Belges dans le Nord et le Bassin de Paris ; dans l’Est, quelques milliers de « Suisses, » qui étaient souvent des Allemands ; sur la frontière pyrénéenne, des Espagnols ; dans la vallée du Rhône, des Italiens ; un peu partout, 5 à 6 000 Polonais. La guerre ayant enlevé aux champs la plus grande partie des ouvriers mâles, on a commencé par leur substituer les femmes, les jeunes gens et les vieillards, qui se sont remis au travail. On a ainsi vécu tant bien que mal pendant les premières années. Puis, en 1917 et 1918, on a repris à l’armée environ 300 000 hommes provenant surtout des vieilles classes 1888 à 1891 et on leur a adjoint 70 000 auxiliaires constitués, soit par des prisonniers de guerre (au nombre de 50 000), soit par des travailleurs coloniaux. Depuis le 15 mars 1915, l’Office national de la main-d’œuvre agricole s’est, en outre, adressé aux agriculteurs espagnols, dont 107 000 ont passé notre frontière du 1er janvier 1916 au 1er avril 1918, beaucoup venant faire la moisson pour