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général, le véritable apprentissage ne peut commencer sur le chantier ou dans l’atelier qu’à quatorze ans, avec des enfants déjà débrouillés et classés suivant leurs qualités. Alors, de douze à quatorze ans, pour gagner quelque chose à leur famille, les enfants se font grooms, porteurs de journaux et autres occupations analogues, ou bien ils se préparent à devenir employés, ou encore ils restent oisifs et tournent au vice. La solution préconisée serait d’instituer, pour la période de douze à quatorze ans, des ateliers-écoles, où l’on rechercherait les aptitudes de l’enfant, tout en lui donnant le goût de l’effort manuel. Le système exige des sacrifices à partager équitablement entre les divers intéressés : parents, patrons, chambres de commerce, Etat. Voilà un cas, entre beaucoup d’autres, où il y aurait avantage à ce que les intérêts corporatifs fussent mieux représentés par des syndicats autorisés et responsables, qui cesseraient d’être des instruments de combat pour chercher ensemble la solution la plus favorable à la communauté.

C’est encore un apprentissage, appliqué à des hommes faits, que constitue la méthode de travail généralement désignée sous le nom de Taylorisme. Le Taylorisme est à l’ordre du jour dans tous les milieux industriels. On l’a souvent décrit et commenté. On en a tant parlé au hasard que ce nom finit par produire une sorte d’agacement chez beaucoup de ceux qui dirigent des ouvriers. Néanmoins, je vais exposer le système avec quelques détails, ne fût-ce que pour dissiper des idées fausses assez répandues à ce sujet, en montrant qu’il s’agit, avant tout, de faire pénétrer, dans les applications de l’industrie, l’esprit de méthode scientifique et de donner à l’ouvrier une instruction professionnelle qui complète son ingéniosité, son adresse, ou son empirisme traditionnel.

Les adversaires du Taylorisme (il y en a de très divers) l’ont souvent représenté comme la réduction de l’homme à l’état de machine. Ce n’est pas ainsi qu’on doit l’envisager, mais comme une codification éclairée des moyens propres à utiliser les mécanismes et outils d’un atelier et à réduire la fatigue musculaire, en donnant la direction la plus favorable aux efforts, en supprimant les manœuvres vaines, en intercalant aux moments opportuns des repos d’une longueur déterminée. Une machine qui donne son plein rendement est celle dont le travail est continu et s’exécute sans vaine dépense de