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En somme, le problème que nous voulons résoudre en France est un peu du même ordre que celui qui se pose dans une usine défavorablement située pour la production par grandes masses ; ayant peu de charbon et peu d’hommes, on y substitue à la quantité la qualité et le fini. C’est de cette façon que nous pouvons penser à remplir le programme qui s’impose à nous, d’incorporer un maximum de main-d’œuvre, d’initiative et de travail français, dans les matières premières que nous tirerons de notre sol, ou que nous ferons venir du dehors. Par exemple, une machine terminée représente deux ou trois fois plus de main-d’œuvre incorporée qu’un acier brut ; et le bénéfice total que laisse cette élaboration au pays fabricant croit dans une proportion beaucoup plus grande. La prétention d’ajouter beaucoup de travail à la matière première pourrait sembler paradoxale dans un pays où nous ne cessons de répéter qu’on manquera de main- d’œuvre, si nous n’insistions pas sur la distinction précédente. Il s’agit d’organiser quelque chose d’analogue à ce qui existe dans les colonies anglaises, où le Blanc joue un rôle de dirigeant, de surveillant, tandis que l’indigène accomplit la besogne grossière, et où l’abatage au pic est suppléé par des perforatrices mues à l’air comprimé ou à l’électricité. Suivant la nature des industries, cette répartition des ouvriers sera plus ou moins facile. Ainsi les mines nécessitent parfois une organisation par équipes, désavantageuse en elle-même, dont on retrouvera peu l’équivalent dans un chemin de fer ; de même, nos houillères se prêtent mal à un abatage mécanique, tandis que la manutention par des machines a sa place marquée dans toutes les usines.

Je ne traiterai pas la question de l’enseignement technique, qui nous entraînerait trop loin ; mais il est bon d’indiquer comment se pose celle de l’apprentissage. Depuis 1868, ce dernier problème a été l’objet d’études et de vœux innombrables, sans qu’il en soit résulté aucun effet sérieux. On a à peu près organisé l’instruction primaire des enfants, du moins dans la loi ; on n’a rien fait pour leur éducation manuelle. Tout au contraire, la loi sur le travail des enfants a eu pour résultat pratique de supprimer ce qui pouvait être organisé précédemment pour leur enseigner leur métier. Une des difficultés est que l’enseignement primaire cesse à douze ans et que, de l’avis