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en donnant à chaque mouvement l’allure la mieux appropriée. Pour le mur de briques, il est, en outre, nécessaire de combiner un échafaudage mobile qui mette constamment les briques à la portée du maçon sans le forcer à se baisser et de régler la fluidité du mortier pour qu’il n’ait pas à frapper sur sa brique avec la truelle après l’avoir posée. On remarquera a ce propos que le plus difficile n’est pas de voir un tel remède, mais de réussir à l’appliquer dans les conditions pratiques d’un atelier encombré ou confus.

Quand on veut déterminer ainsi l’allure d’une opération quelconque, on choisit des hommes entraînés d’origine différente ; on les laisse opérer à leur guise, en étudiant au compteur à secondes les durées de leurs mouvements élémentaires ; on adopte, pour chacun de ceux-ci, le plus court ; on élimine les mouvements inutiles et on effectue une synthèse que l’on peut au besoin cinématographier pour servir ensuite d’enseignement. Ou bien l’on se contente d’établir un guide minutieux, une feuille d’instructions détaillées, comme on l’a fait en temps de guerre avec des résultats particulièrement satisfaisants, quand il s’est agi de dresser vite des femmes à une besogne dont elles n’avaient pas la moindre idée.

Non moins que la façon d’agir, le moment où l’on doit se reposer est indispensable à connaître. Ce qui fatigue, c’est le surmenage. Le jeu d’un muscle ne peut se prolonger plus d’un certain temps et doit être suivi d’un repos, dont on détermine la durée convenable par une série d’essais chronométrés, ou on en fait varier la proportion. Après quoi, il faut savoir obtenir de l’ouvrier ce rythme méthodique, auquel il commence toujours par se montrer récalcitrant, et retenir le travailleur trop ardent qui, laissé seul, arriverait à l’essoufflement. Enfin, toute machine, si perfectionnée soit-elle, exige une utilisation rationnelle et, plus cette machine est savante ou fait partie d’un ensemble compliqué, plus son emploi doit être préalablement réglé par une étude approfondie.

Dans tous les cas, l’ouvrier peut généralement être amené à produire plus en peinant moins, simplement par la suppression des mouvements inutiles qui sont souvent, en fait, les plus fatigants. Ainsi, quand on tient au bout des bras, sans bouger, une gueuse de 45 kilogrammes, on ne produit aucun travail appréciable au dynamomètre et l’on se lasse presque