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sont fait fâcheusement remarquer pour leur insubordination. La grande question, pour les Kabyles comme pour la plupart des exotiques, est de les encadrer. Les Marocains valent mieux à cet égard et peuvent, en outre, fournir des moissonneurs ou des terrassiers. Déjà avant la guerre, nous avions en France environ 15 000 Kabyles et l’on en a fait venir un assez grand nombre depuis trois ans. La ressource est limitée ; on estime au plus à 30 ou 40 000 le nombre des Kabyles qui pourraient émigrer sans inconvénient pour les travaux africains. Quant aux Marocains, ils émigrent depuis longtemps en Algérie, où il vient chaque année 5 ou 6 000 Riffains à l’époque de la moisson. Malgré le développement si rapide du Maroc, la population est assez nombreuse pour pouvoir fournir quelque temps un appoint sérieux, surtout si l’on fait un peu de propagande dans le Maroc méridional.

Les Malgaches sont intelligents, mais sans vigueur. Les noirs fournissent de bons soldats, mais peu de travailleurs.

Restent enfin les Asiatiques, Indochinois et Chinois. Les Indochinois (Cambodgiens, Cochinchinois, Annamites ou Tonkinois) sont doux, adroits, mais petits, peu robustes et apathiques. Ils émigrent en outre difficilement. Les Chinois sont une ressource beaucoup plus sérieuse et peut-être celle de toutes qui peut le mieux nous venir en aide au besoin. Quand la main-d’œuvre chinoise est mal recrutée, elle est détestable, et, dans tous les cas, elle coûte fort cher.

En résumé, nous arrivons à cette conclusion que, malgré tous les progrès de l’organisation et du mécanisme, la France manquera de main-d’œuvre après la guerre et sera d’abord forcée de continuer à occuper des femmes, beaucoup plus qu’on ne l’admettait auparavant, puis d’attirer des étrangers en grand nombre. Parmi ces étrangers, ceux que l’on considère comme préférables sont, en Europe, les Italiens, les Espagnols et, en second lieu, les Polonais. L’Afrique du Nord pourra nous fournir d’assez nombreux Marocains, quelques Kabyles et peu de Tunisiens. A l’Asie, nous demanderons des Chinois, dans la mesure seulement où les autres sources seront insuffisantes.


LOUIS DE LAUNAY.