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se crée. Nous sommes venus victorieusement à bout de la guerre ; il s’agit à présent de nous tirer, heureusement, des suites et des effets de la guerre. S’être tenu, d’ailleurs, en dehors de la guerre même, ce n’est pas s’être tenu en dehors de la crise. L’Espagne, qui est restée, ces quatre années durant, obstinément neutre, en fait l’expérience ; et, au contraire, on pourrait sans paradoxe dire d’elle qu’elle souffre de sa neutralité, et que la participation à la guerre lui aurait été un bienfait, ou, si le mot scandalise, un dérivatif à son mal. Qu’on les appelle comme on voudra, le régionalisme catalan et le régionalisme basque sont des manifestations de ce mal, l’absence d’unité réelle, qui lui est congénital, depuis que le royaume espagnol est sorti de dix royaumes arabes : or, à ce mal, il n’y a qu’un remède, et il est dans la force unifiante de la guerre, par laquelle, jadis, l’unité française s’est faite, et par laquelle s’est faite et se couronne sous nos yeux la moderne unité italienne. L’unité nationale une fois faite put survivre à une guerre malheureuse ou même désastreuse, à des amputations de provinces, et nous l’avons prouvé ; elle peut même se resserrer et comme se condenser par elles ; mais elle ne se fonde pas par abstention ; et l’Espagne elle-même ne s’en est jamais autant approchée que lorsqu’elle s’est dressée d’un même élan dans la guerre napoléonienne. Objectera-t-on que le Portugal n’est pas demeuré neutre, et qu’il n’en est pas moins troublé jusqu’au crime, puisque le président Sidonio Paës vient d’être assassiné ? Mais ce ne sont querelles que de sectes et de partis : ce n’est pas hésitation ni déni de nationalité. A la rigueur, le pis que l’argument tendrait à démontrer serait qu’il y a une maladie politique ibérique comme il y a une maladie politique slave ; mais on ne démontrerait pas que cette maladie aurait été, en Espagne, atténuée par la neutralité, et, en Portugal, aggravée par la guerre. A tous les points de vue, nous saluons et nous accompagnons de nos vœux la démarche dont le président du Conseil espagnol, M. le comte de Romanones, s’acquitte en ce moment à Paris auprès de nous et de nos alliés. Trop de services rendus dans la neutralité même nous empêchent de regarder à quelle heure elle est faite ; nous y voyons un signe d’amitié, peut-être la promesse de quelque chose de plus ; et nous nous en félicitons tout ensemble pour nous-mêmes, pour l’Espagne et pour le monde, dont l’équilibre, dans la sécurité de la paix, ne peut plus reposer que sur la pleine et entière alliance de toutes les puissances occidentales.

On ne saurait trop se louer que ce signe soit fait en la présence