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et comme sous les auspices du Président Wilson. Jusqu’ici les États-Unis, conformément à une tradition vénérable, n’ont eu, dans la guerre, que des « associés » et n’ont été les « alliés » de personne. Mais le monde n’était pas hier ce qu’il est aujourd’hui, et moins encore ce qu’il sera demain. Jamais non plus le Président de la grande République américaine n’avait quitté les territoires de l’Union pour venir en Europe travailler à la paix et à l’organisation du monde. Aucune fraction du globe, après cette guerre universelle, n’est plus et ne sera plus exclusivement à aucune portion de l’humanité. Que le Président des États-Unis siège à une conférence où seront discutées surtout des questions pour la plupart ou plus spécialement européennes, et que son esprit la préside, c’est la marque que désormais toute doctrine de Monroë est trop étroite, et que l’on entrevoit l’aube du temps, prédit il y a de longs siècles, ou à aucun homme rien d’humain ne sera étranger. C’est parce qu’il en a eu la vision, et qu’il en a hâté l’avènement par sa foi, que le Président Wilson a conquis un prestige incomparable, qu’une seule épithète peut réussir à qualifier, en en rendant le caractère quasi religieux, et dont il est permis de dire qu’il a on ne sait quoi de mystique, d’auguste et de pontifical. Mais il faut de la mesure dans le respect, dans le culte même, et l’hyperbole de l’éloge deviendrait une sorte d’injure. On peut être certain qu’il déplairait fort au sage et au démocrate qu’est le Président de la République américaine de voir que quelques-uns de nos socialistes, sincèrement ou dans l’intérêt de leurs desseins, veulent faire du « wilsonisme » un véritable « islamisme, » et de les entendre proclamer, pour ne pas être trop infidèles à leurs principes, qu’il n’y a point de Dieu, mais que Wilson est son prophète. Ses quatorze propositions sont des propositions, mais ne sont pas quatorze versets du Coran. Le Président, si d’autres l’oubliaient, serait le premier à le leur rappeler. Il a son idéal, mais il sait qu’il y a les réalités. En France et en Belgique, il va toucher de la main les plus douloureuses, et les plus impérieuses. Il va se rendre compte de combien il s’en faut que le Rhin soit aussi large que l’Océan, et en conclure que la société des nations vaudra ce que vaudra la base territoriale sur laquelle elle sera construite. Nous le prenons volontiers pour juge. Nous nous en remettons à son front solide, à ses yeux clairs, à sa bouche loyale.

Que de fois n’a-t-on pas répété que cette guerre qui finit serait non seulement la plus grande des guerres, mais la plus grande des révolutions ! Nulle part son énormité n’aura été plus sensible que