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au sommet des tours, surtout la nuit ; mais il est de notoriété publique, et toute la population en témoignerait, que jamais batterie d’artillerie quelconque ne fut installée dans les entours de la Cathédrale.,


III

Le 30 octobre, le ministre de Prusse, à Rome, reçut l’ordre d’aller porter le mensonge au Pape.


L’État-major français ayant de nouveau placé une batterie devant la cathédrale de Reims[1] et installé, sur une des deux tours, un poste d’observation, le ministre de Prusse près le Saint-Siège a été chargé par M. de Bethmann-Hollweg de présenter une protestation formelle au Saint-Siège contre une telle façon d’abuser des bâtiments consacrés au culte[2].


L’imposture montait officiellement au Vatican.

Le cardinal-archevêque de Reims estima qu’une réplique s’imposait, d’autant plus que le chancelier impérial avait donné à cette note diplomatique une conclusion comminatoire :


Tout dommage qui pourrait à l’avenir être apporté à la cathédrale de Reims retombera sur les Français, car il serait d’une hypocrisie indigne d’en attribuer la responsabilité aux Allemands.


Son Eminence adressa un Mémoire rectificatif au Saint-Père, avec documents à l’appui, et me chargea de faire passer dans la presse, par la même voie de l’Agence Havas, un démenti à cet invraisemblable communiqué allemand.

Il parut dans les journaux du 6 novembre :

  1. Pour mentir utilement, encore faudrait-il rester dans la vraisemblance.
    Le portail de la cathédrale regarde l’Ouest. Or, les positions allemandes s’étendant de Brimont à Nogent l’Abbesse, c’est-à-dire du Nord au Sud-Est, il serait matériellement impossible à une batterie, installée sur l’étroite place du parvis, de les atteindre.
    Un communiqué du Grand Quartier général allemand, en date du 21 avril 1915, a renouvelé ce mensonge. « Nous avons reconnu à une petite distance de la cathédrale (unweit der Kathedrale von Reims), une batterie ennemie et nous l’avons prise sous notre feu. »
  2. Agence Havas, 31 octobre. — II n’est pas inopportun de rappeler ici que, pendant la bataille qui se poursuivait devant Reims, les 11 et 12 septembre, les Allemands, qui occupaient la ville, ne se sont pas fait scrupule « d’abuser des bâtiments consacrés au culte, » et qu’ils ont fait placer un poste d’observation sur la tour Nord de la cathédrale.