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s’achève en un élan de mystique abdication, elles sont l’aveu que la part des hommes est petite dans les événements inouïs qui se déroulent. Impuissant à sentir et à exprimer toute sa joie, comme il a été impuissant à comprendre et à diriger le foisonnement formidable, la marche irrésistible des faits, l’homme s’humilie devant la grande Force mystérieuse et providentielle qui s’est jouée de ses combinaisons et qui a dépassé tous ses espoirs. Sans trop bien le savoir, au milieu des doutes, des contradictions, des défaillances passagères, — encore une fois, les Francs, entraînant avec eux le reste du monde, auront accompli le geste de Dieu.


C’est fini. L’Esplanade se vide. Par la rue Serpenoise, où la foule s’écrase, où les vivats ne cessent de retentir, le cortège s’achemine vers l’Hôtel de Ville et la Cathédrale.

Cette Cathédrale de Metz, si belle dans sa simplicité toute classique, avec ses hautes voûtes aussi élancées que celles d’Amiens et de Paris, avec ses immenses verrières qui épanouissent leurs couleurs apaisées sur toute la surface du transept, — c’est un endroit à souhait pour méditer. Tandis que, au dehors, sur la place d’Armes, les cuivres des musiques militaires éclatent en accords triomphaux, je songe au lendemain de la fête. Célébrer la victoire est une récompense magnifique. Nous l’avons eue, c’est déjà de l’histoire. Maintenant, il faut garder notre bien. Des devoirs commencent pour nous, qui seront au moins aussi austères et peut-être aussi lourds que les devoirs de la guerre. Ceux qui rêvent de recommencer demain la farandole du plaisir sont des insensés. Il serait honteux de rendre vain le sacrifice de nos morts. Plus que jamais, avec les peuples qui nous ont aidés à vaincre, ils nous adjurent d’être unis et forts, comme il convient à une grande nation.


Louis Bertrand.