Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Canny-sur-Matz. À Plessis-de-Roye, où le 97e régiment a relevé le 338e, au Piémont où le 159e s’est installé, nous nous organisons.

Offensive plus heureuse encore dans son initiative que dans ses résultats, difficiles à atteindre. Etonné de son audace, de son insolence, l’ennemi va manquer l’occasion unique qu’avec plus de clairvoyance, qu’avec du génie, il n’eût pas laissé échapper. Le grand art de la guerre est de mettre les circonstances à profit : elles s’offrent un jour, quelques heures, puis il est trop tard et le destin a tourné. Sans doute, l’ennemi a pressenti la rupture du front entre l’armée anglaise retirée à l’Est d’Amiens et l’armée française étirée vers Montdidier. Qu’y a-t-il dans ce trou ? Il soupçonne l’entrée en ligne de la 1re armée, venue de Lorraine, dont il a surpris un ordre sur le corps du commandant de Banville, tué en reconnaissance à Davenesourt. Il veut la devancer ou la bousculer. Il ramène plus au Sud sept de ses divisions qu’il orientait sur Amiens et, les joignant aux treize qui sont assemblées dans la région de Montdidier, il fonce le 28 dans cette direction, pour s’ouvrir ou s’élargir la voie qui va couper en deux le front de France et séparer les Alliés. Le 28, c’est l’assaut sur les plateaux de l’Avre, la bataille au Sud et à l’Ouest de Montdidier, mais c’est aussi notre assaut inattendu à l’Est de Montdidier. Sur les plateaux de l’Avre, le général Debeney va résister avec la 56e division martyre qui ne s’est pas laissé enfoncer, avec la 133e, avec la 4e division de cavalerie, cependant que la 127e débarque vers Breteuil, et que les 29e, 163e et 127e sont en route pour leur venir en aide. Et du Matz au Monchel, le général Humbert va attaquer. Il reprend même le 29 son offensive sur Conchy-les-Pots et Boulogne-la-Grasse.

Devant des adversaires si résolus, l’ennemi se décide à livrer la bataille sur toute la ligne, de l’Oise à la Somme, au lieu de se rassembler et se précipiter au point faible. La faute à commettre, il la commettra, soit qu’il n’ait pas à sa disposition, devant Montdidier, une concentration de forces suffisante, soit qu’il redoute d’être pris en flanc par l’agressive armée Humbert. Au lieu de s’engouffrer dans le couloir ouvert, entre les forces britanniques et françaises, mal bouché encore par une armée en formation, il cherchera la rupture du front entier, et ce sera la journée terrible et fameuse du 30 mars. Puis il reviendra.