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l’entraîne au service en campagne : avance par vagues, enfoncement de positions, enlèvement de nids de mitrailleuses.

Le 14 mars, la division est acheminée par marche de nuit vers Saint-Quentin. Le jour, elle bivouaque dans les bois ou se terre dans les villages pour se dérober aux vues aériennes. Si des avions français ou britanniques survolent la nuit les colonnes et lancent des fusées, ces colonnes s’arrêtent, se couchent, font halte jusqu’à ce que le danger soit passé.


— Des que nous eûmes dépassé Saint-Quentin, — se souvient avec satisfaction un soldat du 36e régiment, 8e compagnie, — le pillage commença. On fouilla les maisons abandonnées. Tous les approvisionnements en vivres furent enlevés : pain, pommes de terre, beurre, graisse, confitures, haricots, vins, etc. En maints endroits, des vieillards des deux sexes étaient restés. Ils pleuraient et priaient les soldats de leur laisser quelque chose à manger pour les empêcher de mourir de faim. Les soldats repoussaient ces gens sans pitié et emportaient tout, jusqu’aux couteaux, cuillers, fourchettes, assiettes, effets d’habillement de toute espèce. Ils brisaient et détruisaient ce qu’ils ne pouvaient emporter. Les vêtements étaient arrachés des armoires, jetés à terre et foulés aux pieds. Tables et armoires étaient mises en pièces. Tableaux et glaces étaient arrachés des murs et mis en miettes. Dans les caves, on laissait les robinets des tonneaux ouverts, afin que le vin qu’on ne pouvait boire ou emporter fût perdu. Le commandant du IIe bataillon (capitaine Dettener) donna l’ordre à quelques soldats de se rendre à Noyon avec des voitures, pour piller. Ces hommes revinrent au bout de quelques heures, avec un gros butin. Ils avaient, par exemple, plusieurs milliers de cigarettes, cigares, de la marmelade de pommes, des confitures, du vin, du chocolat, beurre, graisse, haricots, pommes de terre, des cartes, tables, nappes, mouchoirs, linge de corps, savon, et beaucoup d’autres choses. Chaque soldat reçut 20 cigarettes anglaises, de 300 à 400 grammes de savon, 3 à 4 boîtes de marmelade par escouade, ainsi que 3 à 4 boites de lait. Les Feldwebel en reçurent beaucoup plus. Les haricots et les pommes de terre furent versés aux cuisines du bataillon pour être apprêtés et distribués aux compagnies. Les officiers gardèrent pour eux les bonnes choses et les objets de valeur. Dans les autres bataillons, les hommes furent autorisés à se rendre isolément à Noyon pour piller à leur aise tant qu’ils voulaient.


Cette déposition, faite avec complaisance, n’émane pas d’un bon soldat. Celui-ci, au Plessis, s’est mal défendu. Mais il se