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qu’elles soient à l’indépendance, doivent cependant reconnaître qu’il existe entre elles, comme entre les hommes, des interdépendances obligatoires résultant des conditions naturelles dans lesquelles s’exerce leur activité. La vie de relations entre les peuples est asservie à des fatalités d’ordre géographique, climatologique, économique. Les Etats qui sont en train de naitre à l’indépendance ne trouveront pas tous dans les frontières où le temps et l’histoire ont tracé sur la carte les contours de leur domaine national, l’ensemble des conditions indispensables à la satisfaction des besoins essentiels d’un peuple civilisé. Ils sont pour un moment, qui sera court, tout à la joie de l’indépendance enfin conquise ; mais, à mesure que se développeront leurs libres énergies, ils s’apercevront qu’ils ont avec leurs voisins des contacts inévitables, des rapports nécessaires qui les amèneront à de mutuelles concessions, à des services réciproques, à moins que ce ne soit à des conflits d’intérêts. Bientôt s’imposera le besoin de certains rapprochements, selon les affinités naturelles, historiques, religieuses, linguistiques, politiques, économiques de chaque peuple ; il s’agira d’obtenir l’accès à la mer, à un grand fleuve, à un chemin de fer important, de s’assurer un contingent annuel de telle matière première. Alors, entre les tronçons des anciens empires, disloqués suivant les lignes de fracture ethnographiques, des associations se créeront dans lesquelles chaque partie, gardant sa pleine indépendance, s’accordera avec une ou plusieurs autres pour former soit une union douanière, soit une alliance militaire, soit une fédération politique. Aux phénomènes de fragmentation succéderont des faits de regroupement, de remembrement.

En face de l’Allemagne, plus unifiée sous sa nouvelle façade démocratique qu’elle ne l’était au temps de ses dynasties, autour du bloc germanique compact, dont les éléments hétérogènes vont être séparés, cette nécessité d’unions et de groupements s’impose avec force aux nouveaux Etats qui ont mis le vin nouveau de l’indépendance dans les vieilles outres imprégnées du venin des rancunes historiques. Il appartient aux Puissances alliées, dont la victoire a émancipé les nations nouvelles, de les orienter dans cette voie, de leur faciliter les premières démarches et les concessions nécessaires ; elles ont elles-mêmes le plus grand intérêt à ne pas laisser s’éparpiller tout