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indiffèrent à aucune Puissance que, là, ce soient la Hongrie et l’Ukraine-Russie qui entrent en contact, ou la République tchéco-slovaque et l’Ukraine-Russie, ou la Pologne et la Roumanie. Entre la Russie et le germanisme, la plus solide barrière serait, croyons-nous, constituée par une grande Pologne et une grande Roumanie qui devraient avoir, aux confins de la Galicie et de la Bukovine, une frontière commune.

Il ne faut pas perdre de vue, d’ailleurs, que la question nationale, dans la Galicie orientale, comme dans toutes les régions où les Polonais sont une minorité de grands propriétaires, est primée par une question sociale. Une réforme agraire, sur la base du rachat des latifundia et du développement de la moyenne et de la petite propriété, est indispensable dans l’intérêt des nouveaux Etats, et devra même leur être imposée par le traité de paix ; elle est, en effet, une condition de paix sociale et de stabilité internationale pour l’Europe entière.

Certes, ce sont là des problèmes délicats, comme tous ceux que soulève la construction d’une nouvelle Europe ; mais n’est-ce pas le moment de les aborder, quand la victoire donne aux Alliés la force et le prestige nécessaires pour les résoudre ?

On entend parfois des patriotes polonais intransigeants revendiquer toute « la Pologne historique, » c’est-à-dire tous les pays qui ont été englobés, de gré ou de force, dans l’Etat polonais ; leur réclamation n’est dangereuse que pour la cause polonaise ; elle n’a rien à voir avec les principes des Alliés qui reconnaissent, comme fondement de toute constitution d’Etat, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les adversaires du Polonisme comptent aussi parmi eux quelques esprits exaltés dont les exigences ne sont pas plus légitimes. Ils ne doivent pas oublier que, si les Polonais renoncent à toute revendication sur la Podolie et la Volhynie et, en général, sur l’Ukraine à l’Ouest du Dnieper, ils abandonnent ainsi près d’un million et demi de leurs compatriotes, et non les moins riches, les moins cultivés, les moins aptes à servir utilement l’Etat.

Quand on examine une carte ethnographique de la Pologne et de la Russie, la proportion des éléments polonais et russe à l’Est de la frontière de l’ancien Grand-Duché de Varsovie se traduit par une teinte dégradée où la couleur polonaise va s’effaçant à mesure qu’on s’éloigne vers l’Orient. Au Sud des marais du Pripet, la Pologne serait sage en se contentant de la