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par le Sud. Aujourd’hui, les Esthes sont attaqués par les « Gardes Rouges » qui ne peuvent supporter à proximité de Pétrograd un pays de « contre-révolution : » ainsi nomment-ils le naturel désir des Esthes, comme aussi des Lettons, de garder les conquêtes de la révolution, c’est-à-dire leur autonomie nationale, leur liberté politique et les terres aux paysans. La République esthonienne, trop faible pour vivre isolée, accepterait volontiers un lien fédéral avec une Russie reconstituée et démocratique et cherche à tendre la main au gouvernement d’Omsk. Pour le moment, les Esthes ne peuvent espérer que des Alliés le secours qui les empêchera de tomber dans la boue sanglante du bolchevisme ; ils se tournent avec angoisse vers la mer où vient d’apparaître la fumée des escadres alliées. Les jouissances victorieuses ne peuvent pas laisser périr ce petit peuple qu’elles ont délivré du germanisme.

Ce que nous venons de dire des autres pays baltiques s’applique à la Finlande. Les Alliés veulent une Finlande indépendante, — la France la première l’a reconnue, — mais une Finlande qui soit finlandaise et non suédoise ou allemande et où les éléments finnois autochtones ne soient pas dominés, sur leur propre sol, par des éléments étrangers. L’indépendance de la Finlande n’est nullement incompatible avec une union fédérale très large avec la Russie : la Finlande et l’Esthonie commandent les issues du golfe au fond duquel sont Cronstadt et Pétrograd, et une Russie forte ne tolérera jamais une Finlande hostile. La Finlande a cherché contre la Russie un appui en Allemagne au temps où l’Allemagne était puissante et la Russie oppressive ; elle cherche aujourd’hui à s’appuyer sur les Alliés vainqueurs pour se préserver d’une invasion du bolchevisme ; mais, dans l’avenir, quand il y aura une Russie, c’est avec elle que, comme l’Esthonie sa sœur, elle devra nécessairement chercher ses liaisons politiques et économiques. Pour le moment, le travail diplomatique des Alliés consiste, là comme ailleurs, à réaliser leur victoire en substituant leur influence libératrice à celle dont les Allemands avaient patiemment établi les bases pour le triomphe du pangermanisme.

Victoire oblige : leur triomphe confère aux Alliés le devoir moral de reconstruire une Europe meilleure, plus juste et plus stable. Les peuples baltiques méritent toute leur attention pour eux-mêmes d’abord, pour leurs civilisations originales, et