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ensuite, parce qu’ils forment plusieurs anneaux de la chaîne d’États civilisés que les champions du droit et de la liberté démocratique ne peuvent se dispenser d’établir autour de l’autocratie barbare du bolchevisme. Nous avons, nous Français, alliés de la Russie, le devoir spécial de ménager l’avenir de ce grand pays dont les soldats furent héroïques et qui est aujourd’hui plongé dans un océan de douleurs. La Russie, dès qu’elle reprendra conscience d’elle-même, ne peut pas vivre sans qu’un lien amical d’alliance ou de fédération unisse à elle les pays baltiques et lui donne libre accès à leurs ports. La révolution et l’invasion ont dissocié les divers éléments dont se composait l’Empire russe ; il nous appartiendra, dans l’avenir, de les rapprocher sans les souder.


III

Si large qu’on fasse, tout autour de la Russie, la part des peuples naguère soumis à sa bureaucratie centralisatrice, aujourd’hui organisés en États indépendants, il n’en reste pas moins, de la Baltique au Pacifique, et de l’océan Glacial à la Mer-Noire et à la Caspienne, une masse d’au moins cent millions d’âmes qui sont, et qui seront toujours des Russes. La Russie, réduite aux pays russes, est encore un pays immense, une force d’avenir immense, un immense réservoir d’hommes et de richesses naturelles. Il est évident que la Russie de l’avenir trouvera son avantage à une large et libérale décentralisation ; les diverses variétés de l’ » homme russe » pourront ainsi développer plus à l’aise leurs génies particuliers ; mais il est certain aussi que les différentes parties de la Russie ont besoin les unes des autres et se complètent, tant au point de vue économique que sous le rapport du caractère et de la civilisation. Le Nord ne peut se passer des blés, des sucres, du charbon du Sud, des pétroles de Bakou, des fers de Krivoï-Rog et de Kertch ; le Sud a besoin des bois, des avoines du Nord, des métaux de l’Oural ; les diverses régions de la Russie sont l’une pour l’autre un marché naturel toujours ouvert ; elles forment un tout économique, un puissant organisme qui peut se suffire à lui-même, vivre sur ses propres ressources et à qui un avenir de prospérité est promis, s’il parvient seulement à trouver les formes de gouvernement adaptées à ses besoins et à sa nature.