Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre les cultivateurs de chaque village ; mais l’idée que les pauvres moujiks de la Moscovie pourraient quitter leur sol ingrat pour venir prendre leur part des plantureux terroirs du Midi, fit instantanément d’eux des séparatistes résolus. Les grands propriétaires, pour échapper à la spoliation et à l’assassinat, favorisèrent naturellement ce mouvement, qui prit d’abord la forme fédéraliste : l’Ukraine s’organise librement sur son propre territoire, mais elle ne renonce pas pour cela à l’unité russe (manifeste du 18 juin l917).

Après la révolution maximaliste (7 novembre 1917), le mouvement de séparation s’accentue ; les bolcheviks ne contestent pas à l’Ukraine son droit à l’indépendance nationale, mais le conflit est entre les Soviets et la Rada sur le terrain de la lutte des classes. Les bolcheviks font la guerre à la Rada « bourgeoise, » foyer de contre-révolution ; ils veulent s’emparer des richesses de l’Ukraine pour nourrir, dans le reste de la Russie, la saturnale démagogique. Le 24 janvier 1918, le gouvernement proclame l’indépendance complète de l’Ukraine ; le 9 février, il signe, le premier, la paix de Brest-Litovsk avec les Allemands et les Autrichiens. Mais la guerre commence entre Ukrainiens et bolcheviks. L’entrée à Kiev des troupes maximalistes est marquée par les pires horreurs : 4 000 personnes sont exécutées. Le chef du gouvernement, M. Hrouchevski, et la Rada, réfugiés à Jitomir, invoquent le secours de l’Autriche ; ils voient arriver les Allemands avec 400 000 hommes qui chassent les bolcheviks, mais c’est pour mettre, à leur profit, le pays en coupe réglée. Qu’à la tyrannie sanglante et dévastatrice des bolcheviks, les Ukrainiens aient préféré l’occupation allemande, avec toutes ses rigueurs et ses exigences, on le comprend sans peine. Le gouvernement de l’hetman Skoropadski est issu de cette situation. Soutenu par les propriétaires et les Allemands, il s’est écroulé, dès que les troupes allemandes eurent évacué le pays, sous l’effort combiné des bolcheviks et de l’ « Union nationale des partis ukrainiens, » qui a pour chefs MM. Vinnitchenko et Petlioura, Ukrainiens de Galicie, dont les tendances sont nettement antirusses. La carrière du second ne laisse pas que d’être assez suspecte et ses accointances avec les bolcheviks sont troublantes. Le cabinet favorable à l’Entente formé à Kiev par M. Gerbel n’a pu se maintenir au pouvoir et M. Petlioura a constitué un gouvernement