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LE TALION


Laissez un signet noir à ce feuillet du Livre.
Vous savez maintenant quels jours nous dûmes vivre,
Si vous avez bien lu, si nous avons bien dit,
Vous savez ce que fut cet An, cet An Maudit.

Regardez ! c’est là-bas maintenant que la Chose
Exécrable, et qui n’a pas même un nom, se pose
Sur la Vaincue, et de toute sa pesanteur.

Le Juge a prononcé ; place à l’Exécuteur !
Le jour silencieux du Talion se lève.

Le César, héritier des géants Porte-Glaive,
Cet homme qui parlait face à face au Seigneur,
Renié de son peuple, a renié l’honneur,
Et, fuyant son armée, a déserté sa cause.

Il a si peur, il est si vil, qu’à peine on ose
Reconnaître en ce pauvre être un ex-Tout-Puissant.

Sur les dômes de fer de la Cité de sang,
La mort de l’Aigle-Rouge étend sa pourpre oblique.
Et, comme pour bénir la jeune République,
Teint d’écarlate et d’or son bonnet d’affranchi.
Mais la France est en marche, et le Rhin est franchi.

La Victoire, en chantant, comme en Quatre-vingt-douze,
Avec des yeux de vierge et des regards d’épouse,
Attache au fer de lance armant nos trois couleurs
La fleur de ses baisers et le baiser des fleurs,
Et, sur Metz reconquise et sur Strasbourg française,
La Mutte et le Munster sonnent la Marseillaise.
Les ponts tremblent, des pas courbent leurs tabliers…

Allez ! nos Régiments ! Fantassins, Cavaliers !
Chasseurs ! menez vos chiens, Canonniers, vos molosses !
Allez ! foulez ce sol jonché par les colosses
De l’empereur tombé qui n’est plus qu’un bourreau…
— Mais l’arme à la bretelle et le sabre au fourreau !