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organiser à sa guise. Les conséquences ont été lourdes pour les finances publiques. D’une part, les commande sont été données à des prix souvent excessifs : l’impôt sur les bénéfices de guerre, qui fera rentrer dans les caisses de l’Etat une fraction notable de cet excédent, corrige en partie cette erreur. On a aussi fait remarquer que les avantages promis aux industriels ont contribué à hâter le magnifique résultat de leurs efforts, grâce auxquels, sur tous les points du territoire, la production des armes et des munitions s’est improvisée et développée d’une façon merveilleuse.

D’ailleurs, cette source de dépense cesse avec la guerre. Mais il est un autre danger bien plus grand et qui, si l’on n’y prend garde, pourrait survivre à la paix, c’est celui des industries d’État et de l’intervention de celui-ci dans l’organisation commerciale du pays. Proclamons-le bien haut : il n’y a pas d’autre remède que le retour à la liberté. Qu’on permette aux négociants et aux manufacturiers de s’approvisionner, aux compagnies de chemins de fer de rétablir, par leurs propres moyens, leurs réseaux endoloris. L’État a des stocks considérables de certaines matières premières : qu’il se hâte de les mettre à la disposition de ceux qui en ont besoin.

Nous venons de vivre une époque tragique et merveilleuse, au cours de laquelle la France, n’ayant qu’un seul but, une seule pensée, a tendu tous ses muscles et ses nerfs en vue d’un effort ininterrompu de 52 mois. Aujourd’hui la paix n’est pas encore signée : mais le canon s’est tu, et notre mentalité doit changer. Après avoir dépensé sans compter, nous avons désormais le devoir de compter avant de dépenser.

Les crédits ouverts à notre gouvernement depuis le 1er août 1914 jusqu’au 31 mars 1919 atteignent le chiffre invraisemblable de 173 milliards de francs. Nous ne pouvons continuer sur ce pied. Le rapporteur général du budget, M. Louis Marin, disait avec beaucoup de raison en déposant ses conclusions sur le bureau de la Chambre : « Il faut que l’esprit d’économie pénètre désormais dans tous les services publics. Le budget établi par le gouvernement n’est même pas un budget de transition ; la situation nouvelle ne s’y reflète que par quelques réductions qui ne correspondent à aucun plan d’ensemble... La vigilance du Parlement n’en demeurera que plus attentive à obtenir des décisions logiques adaptées au