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que les meilleurs ouvrages des grands maîtres d’Italie, d’un récitatif français que l’on sait être insupportable pour ceux qui n’y sont pas faits. » Même note dans le Journal de l’Intendant des Menus : « Il est vrai que c’est un opéra bien sérieux pour quelqu’un qui ne connaît pas le spectacle et qui n’aime pas la musique. »

Il n’est rien, au contraire, que la Dauphine, puis la reine Marie-Antoinette, ait aimé davantage. On assure qu’un architecte d’alors, cherchant le sujet d’une fontaine monumentale, aurait trouvé celui-ci : « Apollon, dieu de la musique, rend hommage à Sa Majesté des progrès nouveaux de la musique en France. » Gluckiste passionnée, peut-être Marie-Antoinette se montra-t-elle peu sensible au génie de Lulli, s’il est vrai, toujours selon Bachaumont, que l’audition de Persée répandit « un ennui général sur toutes les physionomies. » Quelques jours après, Castor et Pollux, de Rameau, ne réussit pas davantage. « Le sieur Legros a crié plus que chanté, ce qui a gâté infiniment la beauté de la scène. » Trois ans plus tard, au contraire, l’Ernelinde, de Philidor, obtiendra le plus vif succès, mais le devra surtout à la pompe du spectacle, extrêmement imposante. » Il y avait, dans une action, quatre cents grenadiers à cheval sur le théâtre. On sent quel effet a dû produire une telle nouveauté [1]. » Cette cavalerie annonçait, de loin, certain épisode, équestre aussi, du ballet de la Juive et justifiait d’avance le sobriquet d’opéra-Franconi, que devait recevoir un jour le grand opéra français.

Plus le goût de la musique de théâtre se développait à la cour, et plus la musique religieuse s’efforçait de ressembler à la musique de théâtre. Un plan de la chapelle royale, dressé en 1773 par Metoyen, « ordinaire de la musique du Roi, » nous a conservé l’état du personnel et la disposition des exécutants pendant les offices. Instrumentistes et chanteurs étaient au nombre d’une centaine. Ainsi la musique d’église imitait déjà de son mieux la musique d’opéra. On sait trop que depuis elle n’a guère cessé de poursuivre le même idéal, et d’y atteindre.

Quant à la musique intime, deux petits salons, dans l’immense château, demeurent consacrés par elle et, discrètement,

  1. Bachaumont.