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LE PREMIER NOËL EN ALSACE DÉLIVRÉE.

gâteaux de Noël, qu’on a fait cuire au four, chez le boulanger, à l’ancienne mode. Ce sont de menus chefs-d’œuvre de pâtisserie, ayant des formes amusantes, dessinés en étoiles ou en croissants, disposés en spirales ou en tortillons, amincis et gondolés en craquelins qui font un petit bruit sec sous la dent qui les croque. On s’attarde volontiers à cet amusant dessert, tandis qu’il pleut dehors, à verse. La bise d’hiver est bourrue. La rafale fait rage, autour de la vieille maison solide et bien assise sur ses fondements antiques. L’âme des générations successives qui, pendant plusieurs siècles traversés par des alternatives de joie et de douleur, ont vécu sous ce toit héréditaire, à la clarté de ce foyer respectable et doux, semble animer encore les choses très anciennes qui ont composé d’âge en âge, à loisir et sans hâte, l’intimité pittoresque de ce décor paisible et familier. Le rouet et la quenouille d’une aïeule défunte sont là, tout près de la haute pendule dont le balancier a rythmé des existences déjà lointaines et dont les aiguilles d’acier, sur le cadran de porcelaine, sous la vitre du boîtier de chêne verni, ont marqué des heures tour à tour légères et pesantes. Le timbre joyeux vient de sonner enfin, après une longue attente pleine de souvenirs et d’espoirs, l’heure triomphale de la liberté.

L’hôte vénérable et charmant a levé son verre, où le vin doré De Riquewihr brille, dans l’étincelant cristal à facettes, avec un fauve éclat de topaze brûlée :

— Vous ne pouvez pas savoir, fait-il simplement, et nous ne pouvons pas dire tout ce que contiennent de joie ces trois mots : « Nous sommes Français ! »

Cette ineffable joie, dont j’ai recueilli ainsi l’expression sur les lèvres d’un vieillard, j’en retrouve à présent la manifestation, non moins touchante, dans une assemblée d’enfants, réunis autour d’un arbre de Noël, sous les voûtes ogivales de l’ancien couvent des Catherinettes.

Les Catherinettes ! quel joli nom, et qui semble réveiller, par la gentillesse d’un diminutif affectueux, les échos et les reflets de l’époque où Colmar se donna de tout cœur à l’ancienne France ! Un savant m’explique les origines de ce mot. Il y a beaucoup de savants à Colmar, ville de magistrature où l’on aima, de tout temps, les studieux loisirs et les occupations ingénieuses. J’apprends que le couvent des Catherinettes, autrement dit le monastère de Sainte-Catherine de Col-