Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au résumé, les élections du 14 décembre marquent la fin du parlementarisme anglais de type classique, qui appartient désormais à l’histoire ; non seulement pour qu’un des deux grands partis entre lesquels alternait le pouvoir fondé sur une majorité homogène, compacte et stable, disparait presque totalement ; mais parce que les conditions elles-mêmes de ce parlementarisme, — les conditions sociales de ce régime politique, — n’existent plus. Entre les whigs et les tories, il y avait des différences d’opinion, il n’y avait pas de différences de condition et d’éducation, pas de différences de vie : les uns et les autres étaient issus du même milieu, souvent des mêmes familles, avaient été façonnés et polis aux mêmes manières. L’introduction brutale, l’irruption d’une classe nouvelle, d’une nouvelle couche, sous la forme de soixante-dix députés du Labour Party, va faire évoquer et éclater ce moule fragile et. désuet. A l’instrument nouveau, M. Lloyd George réserve sagement un nouveau travail, et c’est en quoi il est juste de dire de son programme qu’il est nouveau et de sa politique que c’est un renouvellement. Au vrai, il veut continuer dans la paix sa politique de guerre, confirmée et sanctionnée par la victoire ; mettre dans le régime parlementaire nouveau la largeur et l’ampleur qu’y mettent des conditions sociales nouvelles, avec l’ardeur qu’y a mise la guerre, le souffle qu’y met la victoire, la hardiesse généreuse qu’y doit mettre la paix. Il a proposé à la nation britannique, qui l’a acclamé, de faire payer à l’Allemagne ses méfaits, de prendre contre leur retour offensif des précautions radicales, de se donner un gouvernement énergique, de rendre plus intense la production industrielle, de répandre le bien-être ; « programme de réformes, de force et de prospérité. » Programme de paix « fraîche et joyeuse, » programme de paix franche et sérieuse, qui exige de la solidité et de la durée. C’est une vaste, une immense entreprise ; mais cette guerre a tout agrandi à sa propre échelle. Il n’y a plus de petites nations, ni de petits problèmes. Il n’y a plus de place pour une petite politique. M. Lloyd George s’élance vers les solutions de l’avenir avec une vision puissante de la réalité. Souhaitons que l’épine irlandaise, en s’envenimant au talon de l’Angleterre, ne le force point à se retourner et à s’arrêter dès le premier pas.

Nous continuons à savoir assez mal ce qui se passe à Berlin. Il s’y passe trop de choses trop vite, et il y a, pour que nous les voyions bien, trop de rideaux, dont un rideau de fer, interposés. Surtout il y a un voile trop épais de brume révolutionnaire. Le propre d’une révolution, étymologiquement, — revolvere, — c’est qu’elle « tourne »