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et qu’elle se renverse, et l’on en mesure la violence à la vitesse des tours. A ce compte, la révolution allemande est en pleine fureur. Il est donc impossible de prévoir, huit jours à l’avance, ce qu’elle produira, et prudent de n’en tracer la marche que sous les plus expresses réserves.

A peine avait-il semblé, l’autre quinzaine, que le gouvernement présidé par Ebert, de quelque étiquette qu’il le revêtît, prenait le dessus, que presque aussitôt on l’a cru sur le point d’être jeté à terre. Le mardi 24 décembre, une collision sanglante avait lieu devant le château et jusque dans ses écuries entre les marins venus de Kiel, de Wilhelmshafen, de Hambourg, — les plus bolchevistes des bolchevistes allemands, — et la 3e division de cavalerie, dévouée au Directoire des mandataires du peuple, qui les a attaqués avec du canon. Après un bombardement de quelques heures, les assiégés ont négocié un accord et se sont retirés, ayant perdu une soixantaine des leurs, tués ou blessés. L’autorité qu’il faut bien, par comparaison, qualifier de « régulière, » — en tout cas, la moins irrégulière des autorités de fait qui se sont élevées en Allemagne depuis le 9 novembre, — paraissait l’avoir emporté, et le conflit s’être terminé par la défaite et la capitulation de l’émeute, mais pas du tout, ou pas tout à fait. On n’a pas tardé à apprendre qu’il n’y avait pas eu capitulation, mais retraite sans conditions débattues, et pour ainsi dire avec les honneurs de la guerre, en ce sens que les mutins, avant de se retirer des appartements royaux au préalable visités de très près, avaient imposé la destitution du commandant de la place de Berlin, Wels, coupable de leur avoir refusé le versement immédiat de 80 000 mark. Auparavant, ils avaient fait une sortie en armes, occupé le bâtiment de l’Université, envahi la Chancellerie même, décrété d’arrestation non seulement Wels, qu’ils avaient, à la sueur froide de tout son corps, criblé de plaisanteries macabres, mais Ebert, Landsberg et Barth en personne, comme ils eussent fait Scheidemann, Haase et Dittmann, avec eux, sans distinction de majoritaires et d’indépendants, s’ils les avaient rencontrés. Le commandant de place s’était vu substituer dans ses fonctions un jeune lieutenant, le camarade Fischer, de sa profession civile « théologien catholique. » Mais la fausse prison des directeurs n’avait duré que de courts moments ; un revirement de plus les avait rétablis dans leurs fauteuils qui sont comme la monnaie d’un trône, et les marins, contraints de céder, ou leurs amis, ne se faisaient pas prier pour le constater : « Le boucher Wels a dû s’en aller, écrivait le