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DANS LILLE OCCUPÉE


L’éminent recteur de l’Académie de Lille, M. Georges Lyon, resté à son poste pendant toute l’occupation allemande, veut bien détacher pour nous quelques feuillets de son « journal. » Sa haute situation lui a permis de rendre de grands services à la population lilloise et particulièrement aux jeunes gens. Et elle l’a rendu témoin de quelques-uns des plus odieux parmi les crimes allemands. Dans l’été de 1915, il était au nombre des personnalités considérées comme otages et astreintes à un régime spécial par l’autorité allemande.


LES OTAGES À LA CITADELLE

Du clavier de vexations qui compose la situation d’otage, nous ne connaissions encore que des notes assourdies et, en tout cas, fort brèves. Il restait à nous en révéler de moins fugitives et de plus aiguës. L’été de 1915 nous réservait ce complément d’initiation. Une première aggravation de pénalité nous fut infligée au début de juillet. Les Allemands n’imaginèrent rien de mieux que d’astreindre chacune de nos séries à passer tour à tour trois jours et trois nuits de suite dans notre salle de détention.

Trois jours d’inaction forcée semblent interminables et ma satisfaction fut grande quand ce premier triduum eut pris fin. Dix-huit jours nous séparaient du second [1], trop vite écoulés à mon goût. Le 27 juillet était la date où mon tour allait revenir. Or, la veille même de ce jour, vers quatre heures du soir, au moment où je me disposais à sortir, un pli urgent me venait de la Mairie. J’y lisais que, par ordre du gouverneur,

  1. Les otages étaient répartis, par cinq, en six sections.