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y mit d’autant plus d’acharnement qu’une circonstance encore venait accroître son exaspération. L’introduction de l’affaire Jacquet avait établi que l’un des deux aviateurs anglais obligés le 11 mars d’atterrir dans le Faubourg des Postes, après avoir détruit une installation téléphonique attenante, avait pu trouver chez divers habitants un refuge et, finalement, franchir incognito les lignes pour se remettre à la disposition de ses chefs. Vainement une affiche tonitruante avait-elle, le 16 mars, brandi la peine de mort sur quiconque « cacherait lesdits Anglais ou les aiderait à s’éloigner. » Ces menaces avaient été en pure perte et, grâce à d’activés sympathies lilloises, les deux pilotes avaient pu, déjouant toutes les surveillances, prendre la clé des champs ! Nul châtiment ne serait assez exemplaire pour punir le forfait de toute une cité. Ne pouvant l’emprisonner tout entière, on s’était dédommagé sur les otages. L’affiche du 27 juillet qui publiait cette mesure ajoutait que les laissez-passer pour se rendre à d’autres communes ou en venir seraient supprimés et que le couvre-feu pour les habitants sonnerait à 6 heures du soir (à 5 heures françaises). L’obligation de rentrer chez soi à 5 heures, au fort de l’été, l’interdiction de se promener durant ces longues soirées des quelques mois de lumière étaient une cruauté exercée surtout contre la population pauvre, privée de jardins, souvent même de cours. Les bandes de tout petits seraient condamnées à se morfondre et s’étioler dans les chambres resserrées, sans soleil et sans air, des demeures lilloises ! A ces conditions seulement la vengeance allemande serait assouvie.

Cependant la première semaine d’août touchait à son terme. A divers signes, la conviction se formait en nous que nous ne serions plus embastillés longtemps. L’inscription de tous les hommes sur les feuilles de recensement était un filet tendu à travers les mailles duquel l’autorité occupante se persuadait que pas un réfractaire ne saurait passer. En effet, le vendredi 6 août nous étions informés que. par égard pour les instantes démarches du maire, nous devenions « libres de l’internement. »


L’AFFAIRE DES SOLDATS CACHÉS

Notre villégiature d’été à la citadelle de Lille avait été le prélude du drame dont il me reste, poignant souvenir, à rapporter le dénouement.