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Corse ; qu’il était sans argent, qu’il avait besoin d’une somme de vingt-cinq à trente mille francs pour son voyage ; que, si l’on consentait à lui confier cette somme et que l’on fit sortir du port un bâtiment prêt à mettre à la voile, le Roi s’embarquerait sans mettre le pied dans le pays natal de son épouse ; que, dans le cas contraire, il était décidé à se présenter aux braves habitants d’Ajaccio pour trouver de l’argent et des bâtiments, et continuer sa route. »

Il y avait là une forme de chantage assez impudente pour exaspérer des hommes mal disposés déjà et dont la générosité n’eût point été la vertu cardinale : on ne s’arrêta point d’ailleurs à cette question et on n’envisagea même pas une solution qui eût sauvé la vie de Murat, et une part au moins de sa fortune. On aborda tout de suite les griefs historiques : la défection de Murat, son agression contre l’armée française, et le reste. On avait beau jeu, et Franceschettli répondit par des assertions plus ou moins erronées, car rien n’était alors moins connu que cette histoire encore controversée après un siècle. De là, Franceschetti passa à des reproches qui tournaient à l’injure, sur l’ingratitude des gens que le Roi avait comblés de bienfaits, ce qu’il prouva en confondant ce que Napoléon avait fait pour ses parents avec ce que Murat n’avait point fait pour ceux de Caroline. Puis, il se retira avec dignité, sans qu’on fit rien pour le retenir.

Il écrivit aussitôt au Roi une lettre « par laquelle il priait instamment Sa Majesté de se rendre à Ajaccio où l’enthousiasme du peuple était tel que chacun désirait voir de près sa royale personne ; il lui faisait observer que sa présence dans cette ville était nécessaire pour surmonter les obstacles que les fonctionnaires publics opposaient aux préparatifs de son expédition. »

Par retour du messager, Murat fit savoir qu’il se mettait en route à la tête de ses compagnies que grossit sur la route la population des villages. Le 23, à quatre heures du soir, Murat fit son entrée à Ajaccio sur le cheval que lui avait offert l’abbé Moracciuole. Les Ajacciens étaient ivres de joie ; vivais, chansons, cloches, feux de joie, illuminations, tout était spontané et populaire. Sans moyens de s’y opposer, et pour ne pas se compromettre, les autorités civiles et judiciaires disparurent. De même. Arrighi, Ramolino et les autres alliés de Murat. Seule, la