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porter une lettre du Roi au général Dalesme, commandant encore pour la France sous le pavillon tricolore. Murat avait projeté de se réfugier à l’île d’Elbe et d’y tenir : « Général, avait-il écrit à Dalesme, vous me connaissez, je ne suis pas emporté par une vaine préoccupation. Si nous sommes les maîtres de l’île d’Elbe, nous pourrons conserver une grande influence en Italie, et disposer de nouveau de toutes les ressources du royaume de Naples. » Cette lettre fut aussitôt remise au général, qui répondit verbalement. « Il regrettait infiniment que les projets de Sa Majesté ne lui eussent pas été communiqués quelques jours auparavant, lorsqu’il était encore libre. Cependant, ajoutait Lambruschini, je sais que ce général fit tout son possible pour rompre la capitulation qui avait déjà été établie, en demandant au commandant des troupes toscanes, stationnées à Longone, une plus forte quantité de pièces de canon pour la France ; mais la demande fut aussitôt accordée. »

Tout espoir était donc perdu de ce côté, mais l’île d’Elbe n’était, on le voit, dans les projets de Murat, qu’un point de départ pour recouvrer son royaume et rétablir sa domination en Italie. Débarqué en Corse presque nu, sans argent, sans amis, sans moyens, il persistait dans son rêve et saisissait la première occasion d’en tenter la réalisation.

Lambruschini, s’il échouait à l’île d’Elbe, devait poursuivre sa mission en Italie, et particulièrement à Naples. Le 5 septembre, il s’embarqua donc pour Livourne. Il devait s’y informer des divers Napolitains qui étaient en Toscane, se rendre par Sienne à Rome, y visiter Madame et le cardinal, au cas qu’ils y fussent, et pousser sur Naples. A Naples, où il arriva le 28 septembre, il ne vit que deux personnes, et d’abord le général Filangieri, près duquel il était accrédité ; il devait lui demander « sur qui et sur quoi l’on pourrait compter si jamais on se déterminait à se jeter dans le royaume. » « Filangieri me fit connaître, écrit-il, la difficulté de réaliser dans cette circonstance les projets du Roi. Il me détailla la force de la situation du royaume, les sentiments des Napolitains, les préparatifs qu’on faisait pour mettre le royaume à l’abri de toute invasion, et les changements survenus dans les intendances et dans les ministères, surtout dans celui de la police... Il me pria de quitter Naples le plus tôt possible, puisque mes jours étaient en danger. »