Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/593

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vivres pour l’armée et la flotte. A la vérité, certaines dépenses sur bons du général Franceschetti n’étaient point justifiées, mais le Roi avait accrédité le général comme son intendant général, en même temps que son ministre des Finances, de la Guerre et de la Marine. Seul, des trois ou quatre hommes un peu qualifiés qui entouraient le Roi, Franceschetti poussait à l’expédition, soit qu’il s’enivrât du rôle qu’il jouait, et que la vanité lui tournât la tête, soit qu’il attendit des bénéfices honorifiques ou pécuniaires, soit qu’il eût d’autres motifs. Tout était donc disposé pour la suprême folie, lorsque Macirone qui s’était annoncé de Calvi, et que le Roi avait attendu, arriva à Ajaccio.


Le 22 août, avant de quitter la France, Murat avait écrit à Fouché une lettre qu’il avait datée « de sa ténébreuse retraite. » Il y disait que le bâtiment sur lequel il avait eu l’intention de s’embarquer pour le Havre, avait pris la mer sans lui, emportant ses gens, son argent et ses effets, et qu’il était resté à terre sans avoir même de quoi changer de linge ; il se plaignait de n’avoir pas reçu de réponse à ses lettres, accusait la duplicité de Talleyrand ; déplorait l’arrestation de Coussy et de Macirone, informait le duc d’Otrante des persécutions et des dangers auxquels il était exposé, lui annonçait que, pour échapper aux assassins qui étaient nuit et jour à sa poursuite, il se déterminait à passer en Corse, sur une barque non pontée : enfin, il priait Fouché d’user de toute son influence auprès des Alliés pour obtenir qu’on lui envoyât, sans perdre de temps, une personne autorisée à recevoir son adhésion à la décision qu’ils auraient prise à son égard : décision qu’il allait attendre en Corse.

Fouché n’avait pas besoin que le Roi excitât son zèle, et il n’avait pas même hésité à se compromettre pour lui. Gruchet, Coussy, et Macirone étaient au secret depuis 15 jours, par ordre de M. Decazes, préfet de police, lorsque le 6 août, le ministre de la Police avait appris à la fois leur arrestation et l’incarcération de Macirone par ce billet que lui avait écrit Sir Charles Stuart : « Monsieur le duc, quoique je ne désire aucunement intervenir dans une affaire qui me paraît absolument du ressort de l’autorité du pays, j’ose prier Votre Excellence de me