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tambour à Ajaccio. On y suppléa par des cris, quand, de la marine par un chemin d’environ trois cents pas, on déboucha, le Roi à la tête, sur la place, que délimitaient quelques églises, des maisons lépreuses, et, à l’angle de la falaise, un méchant petit château à deux tours rondes. C’était un dimanche. Il y avait foule sur la place où se tenait le marché. A l’arrivée de cette troupe, bizarrement composée, aux cris que poussaient ces hommes, aux gestes qu’ils faisaient, la foule, épeurée. se dispersa. Vainement le Roi tenta de parler à quelques bourgeois, ils s’esquivèrent. Succès à peu près pareil avec les quinze canonniers gardes-côtes qui tenaient un corps de garde à l’extrémité de la place : « Reconnaissez-vous votre roi ? » leur disait Murat, parodiant l’Empereur : on assure que deux le suivirent ; les autres s’en furent. La place s’était vidée ; bourgeois, paysans, soldats s’étaient retirés, laissant la petite troupe dans une solitude menaçante. Deux jeunes gens s’approchèrent, engagèrent le Roi à gagner Monleleone, où, disaient-ils, la population était disposée en sa faveur, et où il trouverait des soldats de sa garde.

Cela pouvait dire quelque chose au Roi, si l’avis donné par Coletta lui était parvenu. En tout cas, on ne pouvait rester là. Le Roi prit le pas de course avec sa troupe pour gagner la route de Monteleone. Essoufflé, il s’arrêta un moment et fut rejoint alors par deux gardes-côtes. Il leur demanda si leurs camarades suivaient. Pour s’en assurer, il gravit une hauteur d’où il aperçut une foule de paysans armés qui couraient sur sa trace. A la tête, le capitaine de gendarmerie Trentacapilli, dont les trois frères avaient été pendus par ordre du général Manhès. Entre le Roi et Trentacapilli, il y eut un échange de propos. Peut-être alors Murat allégua-t-il qu’il n’avait nulle intention agressive, que, n’ayant plus de vivres, il avait relâché au Pizzo pour en acheter et noliser un bateau plus solide à Monteleone. Le gendarme l’invita à revenir au Pizzo ; Murat, en réponse, lui ordonna de suivre son roi à Monteleone ; l’autre répondit qu’il n’y avait de roi que Ferdinand. Murat s’en offensa, mit la main sur la garde de son épée : mais c’était en parlementaire que Trentacapilli était venu. Il le laissa se retirer, et le gendarme, rruand il eut rejoint ses hommes, fit commencer le feu. Murat ordonna alors que sa troupe se repliât sur la marine, mais lorsqu’elle y arriva, Barbara, conformément