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et acheter à Cotrone deux bâtiments sur lesquels il se rendrait à Trieste ; mais il avait été assailli de tous côtés, maltraité et dépouillé. Le commandant de ses deux petites barques s’était enfui, emportant ses effets et ses bijoux : « Je demande, disait-il, à être mis en liberté, et qu’on me rende tout ce qu’on m’a pris. » Nunziante l’écouta et ne lui donna aucun démenti.

Aux questions précises qu’on lui posa, il opposa des dénégations obstinées. Il ne semble pas que ses compagnons aient alors été interrogés. D’ailleurs, c’était le flagrant délit.

Le 9, les soldats furent séparés des officiers : Galvani, blessé grièvement, fut transporté en ville pour être soigné. Lo 10 seulement, le Roi eut la disposition d’une chambre plus propre où il fut enfermé avec Franceschetti et Natali. Il déjeuna avec les officiers siciliens dans une pièce voisine. Puis il écrivit des lettres à sa femme, au roi Ferdinand, au général commandant l’armée autrichienne, et au ministre d’Angleterre à Naples. Ces lettres partirent par l’officier qui portait les rapports de Nunziante et du procureur général de la Calabre ultérieure, ainsi que le drapeau de Murat. Nunziante se plaignit de ne pouvoir y joindre les papiers et les diamants que Trentacapalli s’était hâté d’envoyer, — toutefois, après sa part faite.

A Naples, il n’y eut ni hésitation, ni discussion. Ordre de traduire le général Murat devant une commission militaire. Le 11, par télégraphe Chappe, l’ordre fut transmis. Dans la nuit, du 12 au 13, l’expédition authentique fut apportée par une estafette royale : constatation d’identité, et exécution immédiate. Murat se refusa à reconnaître des juges dans les sept officiers qui formaient le tribunal. Il se refusa à répondre aux interrogatoires. Les témoins unanimes affirmaient la rébellion à main armée contre le souverain légitime. Un décret que Murat lui-même avait rendu la punissait de mort. Avec un beau sang-froid, il se prépara à mourir. Il écrivit à la reine Caroline : « Ma dernière heure est arrivée, dans quelques instants, j’aurai cessé de vivre, dans quelques instants, tu n’auras plus d’époux. Ne m’oublie jamais. Ma vie ne fut entachée d’aucune injustice. Adieu, mon Achille ; adieu, ma Lætitia ; adieu, mon Lucien ; adieu, ma Louise ; montrez-vous au monde dignes de moi. Je vous laisse sans royaume et sans bien au milieu de mes nombreux ennemis ; montrez-vous supérieurs à