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l’infortune. Pensez à ce que vous êtes et ce que vous avez été, et Dieu vous bénira. Je déclare que ma plus grande peine dans les derniers moments de ma vie, est de mourir loin de mes enfants.

« Recevez ma bénédiction paternelle ; recevez mes embrassements et mes larmes... Ayez toujours présent à votre mémoire votre malheureux père. »

Il vit le doyen du chapitre du Pizzo, lui fît sa confession, reçut de lui l’absolution ; puis, d’un pas ferme, il marcha vers l’esplanade où douze soldats l’attendaient, il refusa de s’asseoir sur un fauteuil préparé, de se laisser bander les yeux ; il se plaça debout face au peloton d’exécution, si proche que les fusils touchaient presque sa poitrine. Il commanda le feu, et tomba foudroyé.

On plaça le corps dans un cercueil de bois blanc, aux planches mal jointes, que les soldats portèrent à l’église paroissiale et qu’on jeta ensuite dans la fosse commune [1].

A onze ans d’intervalle, le drame du Pizzo faisait pendant au drame de Vincennes. Murat, Gouverneur de Paris, avait donné l’ordre de mise en jugement du duc d’Enghien ; ce fut une loi pareille qu’il subit.

Lorsque quatre mois plus tard, le 7 février 1816, Napoléon apprit comment était mort son beau -frère, il dit à ceux qui reprochaient à Ferdinand de l’avoir fait tuer : « Voilà comme vous êtes, jeunes gens. Mais on ne badine pas avec un trône. Pouvait-on le considérer comme général français ? Il ne l’était plus ; comme roi ? mais on ne l’a jamais reconnu. Il l’a fait fusiller comme il a fait pendre tant de gens. »

Plus tard, examinant de nouveau le cas de Murat, et parlant à cœur ouvert. Napoléon disait : « C’est une pauvre tête qui se forge des chimères et se croit un grand homme. Il

  1. Seul Murat a passé en jugement : tous ceux qui l’avaient accompagné furent transportés, le 27 octobre, dans l’île de Ventotene, et embarqués le 17 janvier 1816 pour la Corse. Les chefs furent jugés par la Cour prévôtale du Var, qui se déclara incompétente et ils furent mis en liberté le 16 janvier 1817. Franceschetti, reconnu par le Gouvernement de Louis XVIII dans le grade de colonel avec la demi-solde de ce grade, — faveur presque unique pour un officier ayant fait sa carrière entière au service étranger, — se crut en droit d’intenter à la reine Caroline un procès pour réclamer des sommes considérables qu’il disait lui être dues pour les quinze jours de l’hospitalité que son beau-père Ceccaldi avait offerte à Murat au Vescovato et que celui-ci avait largement reconnue. Il perdit son procès en 1827, sur des considérants peu flatteurs.