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devra opérer sa jonction avec le régiment colonial du Maroc dans le village. Aussitôt il réunit son monde : la 7e compagnie a prêté une section au commandant de Surian ; la 8e, envoyée aux Carrières-Madame, n’a pas encore rejoint ; la 9e est en marche de l’Ecouvillon. Ce rassemblement prendra du temps : les itinéraires sont jalonnés, les cheminements reconnus, les ordres donnés. Les compagnies arrivent enfin, se portent d’emblée sur leur base de départ, au Sud de la petite crête qui jalonne la route de Lassigny à Élincourt. Mais il est plus de six heures, et l’attaque ne pourra se déclencher qu’à six heures et demie. Elle aura été devancée d’une heure par celle des marsouins.

Les marsouins ! Le régiment colonial du Maroc est l’un des plus beaux régiments de l’armée, le rival du 4e zouaves. Tous deux, ce 30 mars, sont prêts à gagner la fourragère rouge pour laquelle il ne leur manque qu’une citation. La Légion étrangère les a devancés d’un point ; mais ils vont cueillir une palme nouvelle, l’un au Plessis, l’autre devant Orvillers. Du Maroc où ils s’étaient déjà illustrés (le fanion du bataillon Croll avait reçu la croix de guerre, épinglée par le général Lyautey en personne, pour la défense de Khénifra en octobre 1914), les marsouins, transportés en France, ont connu tous les champs de bataille. Mais c’est encore Verdun qui les a couverts de sa gloire éternelle. Le 7 juin (1916), quand le fort de Vaux succombe, ils tentent de le délivrer. Le 18 août, ils reprennent Fleury-devant-Douaumont, ou du moins ce qui fut un jour Fleury-devant-Douaumont : le village, pareil à un fruit écrasé, n’est plus qu’une tache blanche au col de la colline, et comme le commandement, les croyant épuisés, les veut relever, ils refusent de quitter ces pierres encore disputées avant d’avoir achevé leur conquête. Après le lieutenant-colonel Larroque, c’est le lieutenant-colonel Régnier qui les conduit. Il les a conduits à Fleury, il les conduira à Douaumont. Car ils ont repris le fort de Douaumont le 24 octobre 1916, et l’on se souvient de l’allégresse que dans tout le pays répandit la nouvelle de cette victoire, dont le fort était le point central et le nom retentissant [1]. Pour ce fait d’armes, le régiment reçut la croix de la Légion d’honneur. Distinction qui rompait, ou

  1. Voyez Les Captifs délivrés (Revue des Deux Mondes des 15 mai, 1er et 15 juin 1917).