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plutôt élargissait une tradition. : La tradition voulait, en effet, que la Légion d’honneur ne fût attribuée à un régiment qu’en récompense de la prise d’un drapeau ennemi. Mais, dans son rapport au Président de la République, l’amiral Lacaze, alors ministre de la Guerre par intérim, disait : « J’estime, avec le général Joffre, que la prise du fort de Douaumont peut être interprétée comme équivalente à la prise de haute lutte d’un drapeau ennemi. » Ce jugement fut ratifié, et la première croix décernée pour fait de guerre fut épinglée au drapeau du régiment : Douaumont symbolique n’était-il pas le drapeau arraché à l’ennemi et dressé au-dessus de la citadelle de Verdun inviolée ?

Cependant, la victoire de Douaumont-Vaux, si elle a restitué à Verdun la ceinture de ses forts, ne l’a pas suffisamment dégagée de la menace ennemie, et ce sera l’œuvre d’une seconde victoire, celle de Louvemont-Hardaumont (15 décembre 1916). Le régiment colonial du Maroc y cueille sa quatrième citation qui lui vaut la fourragère aux couleurs de la médaille militaire : « Le 15 décembre 1916, sous l’énergique commandement du lieutenant-colonel Régnier qui, blessé la veille, avait refusé de se laisser évacuer, a, d’un seul et irrésistible élan, enfoncé les lignes ennemies sur une profondeur de deux kilomètres, enlevant successivement plusieurs tranchées, deux ouvrages et un village fortifié, capturant 815 prisonniers, dont 20 officiers, et prenant ou détruisant 16 canons, 10 canons de tranchée, 23 mitrailleuses et un nombreux matériel de guerre. » Enfin, le 23 octobre 1917, tandis que le 4e zouaves prend le fort de la Malmaison, comme il a pris lui-même Douaumont juste un an presque jour pour jour auparavant, il s’empare des Carrières de Bohéry, enfonce au Chemin des Dames la garde prussienne, porte notre ligne jusqu’à l’Ailette. Le lieutenant-colonel Debailleul a remplacé le colonel Régnier, appelé au commandement de la brigade. L’histoire de ces régiments d’élite, c’est presque l’histoire de toute la guerre. Elle se lit sur le visage de ces hommes graves et gais ensemble, si accoutumés aux pires traverses que rien ne les étonne plus, mais préférant tout de même les belles attaques brèves, les coups de chien, aux patientes et longues épreuves dans la boue, l’immobilité et la passive horreur des bombardements.

Blessé à l’attaque de Douaumont le 24 octobre 1916, le chef