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terrible de notre artillerie ont dû brusquement s’arrêter et refluer en désordre, laissant le terrain couvert de cadavres » Les pertes subies par l’ennemi sur tout le front de la zone de bataille dépassent encore celles des jours précédents. »

Le communiqué du soir mentionnait même sans la désigner davantage la division d’élite qui avait repris le Plessis-de-Roye, y faisait sept ou huit cents prisonniers et l’avait gardé contre tous les assauts, et le lieutenant-colonel Modat eut soin de faire lire ce communiqué à ses marsouins dans le village même du Plessis. Le 97e et le 236e le lurent au château et dans le parc, le 159e au Plémont, le 56e bataillon de chasseurs à la Porte Rouge. Rien n’exalte une troupe comme de connaître l’importance de sa victoire. Et ce communiqué, lu au Plessis-de-Roye encore encombré de morts et de matériel, était à la même heure lu par tous les habitants du Plessis dispersés, Mme du Pontavice en a pleuré de joie. Le château des Condé qu’elle avait laissé tout percé et blessé, pouvait crouler : sa ruine, chargée d’histoire, braverait le temps ; elle enseignerait les générations nouvelles, ses quatre enfants qui avaient tant joué dans la cour d’honneur ou dans le parc devenu un cimetière allemand, et avec eux tous les enfants de France. Dans les villages où ils se sont retirés, — provisoirement, — d’où ils écoutent le bruit des armes, attendant de savoir si leurs terres demeureront libres, Louis Lefèvre, l’ancien maire, et le vieil Hénot, et Alépée, le secrétaire de mairie, ont lu l’affiche, et ils ont eux aussi essuyé une larme. Et pareillement les Garin, les Carpentier, les Dubois, les Lepère, les Lobert, et tous les autres du Plessis. Ils ont dit : « C’est chez nous. » Et ils ont pensé : « Nous allons rentrer chez nous. »


Au Plessis nos soldats passeront tranquillement ce jour de Pâques : en face d’eux, la VIIe division de réserve, quasi détruite, a dû être relevée en hâte, dans la nuit, par la IIIe division bavaroise qui ne se montre nullement agressive, n’ayant point envie de subir même sort. Un officier du XVIIe régiment, sous-lieutenant de réserve, fait prisonnier par une patrouille de nos chasseurs, au Sud de Lassigny, s’exprime sur ses hommes avec la dernière violence :

— Autrefois j’étais heureux de mener au combat des