Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enfin, un petit affluent de l’Oise, la Divette, où viennent se jeter un à un tous les ruisseaux qui descendent de ces Alpes lilliputiennes, la Dive, la Perche, la Lisette, achève de le fortifier au Nord jusqu’à Lassigny, et le sépare de ces hauteurs de Porquericourt qui défendent Noyon à l’Ouest et qui, « terminant sur la rive droite de l’Oise les plateaux tertiaires de l’Ile-de-France[1], » sont appelés par les paysans de Santerre-en-Picardie « les montagnes. »

L’ancienne résidence des Condé, entre la Petite Suisse et les vallons du Matz, se cache donc parmi les mille accidents d’un terrain extraordinairement varié et pittoresque à qui la fertilité du sol et la grâce des eaux et des arbres n’ont pas permis la sauvagerie. Elle se cache en vérité, car elle est bâtie dans un fond, non sur la hauteur que recherchaient volontiers les constructeurs de châteaux. Son parc même se redresse au Sud, tant la plaine est réduite dans ce paysage. Elle se prête merveilleusement à la chasse et à la guerre. Certes non, tout n’est point faux dans la description de Victor Hugo, et voilà bien la maison construite loin des villes, faite pour se cacher dans les guerres civiles, faite aussi pour se défendre et pour servir de poste de commandement dans la grande guerre. On chercherait presque une chartreuse sur son emplacement, tant la solitude y semble profonde et attrayante. Et l’on devait être un peu surpris d’y découvrir ce trop bel édifice que les architectes de la Renaissance et du temps de Louis XIII avaient travaillé comme une pièce d’orfèvrerie.

L’intérieur n’était point composé de ces salons délabrés où se réunissent, pour tenir des propos historiques, la Reine, le cardinal et le Roi débutant de Victor Hugo. Les corridors n’y sont point cachés, ni les portes secrètes. Un escalier monumental remplit l’une des tours. Rose de Héricourt, devenue marquise de Grollier, s’était plu à orner le château de tapisseries, de tableaux, de tentures, de meubles à faire envie à un musée. La bibliothèque reçut une part des livres collectionnés par le fameux bibliophile Jean Grollier (dont le cercle Grollier, à New-York, a rassemblé depuis lors la plupart des ouvrages). Une autre marquise de Grollier, née Choiseul, s’y fit peindre par Hubert Robert. Mme Elisabeth y séjourna peu avant la Révolution

  1. Jean Brunhes.