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limitée à des objets dont l’usage ou la consommation sont imposés par les circonstances.

On le voit donc, la réquisition générale de la flotte marchande, sous le régime de laquelle nous vivons actuellement, n’a rien de commun avec les opérations administratives prévues dans la loi de 1877. Cette réquisition générale s’applique à l’ensemble d’une industrie. Elle est motivée, non par un intérêt militaire, mais par des considérations économiques touchant au ravitaillement de la nation. Ce qui le prouve, c’est qu’elle a été opérée non par le ministre de la Marine, seule autorité requérante prévue, avec le ministre de la Guerre, par la loi de 1877, mais bien par le ministre du Commerce.

Comment l’État français en est-il arrivé à cette conception de la réquisition générale de la flotte ? Voici quelles ont été les étapes principales. Dès le début de la guerre, les autorités responsables se sont préoccupées d’obtenir de la flotte marchande française la meilleure utilisation possible. Elles ont tout d’abord porté leur attention sur l’utilité des voyages effectués, et, par décret du 4 avril 1916, elles se sont réservé le droit d’interdire ceux qui ne présenteraient pas un caractère d’intérêt pour le ravitaillement du pays. Plus tard, lorsque la crise des transports maritimes fut devenue plus aiguë, à mesure que se prolongeait la guerre sous-marine, le gouvernement voulut suivre de plus près la question, il fit appel aux spécialistes, c’est-à-dire aux armateurs, pour l’assister. — En juillet 1917 fut nommé un comité dont le rôle était de prêter son concours au sous-secrétaire d’État, pour le règlement de toutes les questions se rapportant directement ou indirectement aux transports par mer. En même temps, un décret conférait au sous-secrétaire d’État le droit de contrôle sur les taux de fret et l’utilisation de la flotte ? Il prescrivait aussi qu’aucun navire français ne pouvait entreprendre un voyage sans être muni d’une licence. Les pouvoirs du sous-secrétaire d’État pouvaient, en vertu de cette décision, aller jusqu’à la réquisition immédiate du navire, s’il en jugeait l’utilisation insuffisante. — Le contrôle sur les taux de fret s’étendit ensuite aux chargements. En septembre, on institua au sous-secrétariat d’État de la Marine marchande, un service dont le rôle était de centraliser les besoins de tonnage des services publics et du commerce libre, en les comparant avec les possibilités de transport et en déterminant l’ordre de leur