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mieux. » Mais c’est une entreprise au-dessus des forces du ministre le plus compétent et le plus laborieux, que d’improviser la direction de toute une flotte marchande avec des moyens d’action notoirement insuffisants. « En quelques jours, dit le rapporteur, M. Bergeon, avec une hâte excessive, la réquisition a été improvisée, sans méthode et sans programme déterminé. » La réquisition a surpris tout le monde, et ses promoteurs les plus convaincus ne savaient même pas par quel bout la prendre. On a cité l’exemple des Anglais qui avaient à contrôler une flotte autrement importante. Mais nous aurons ‘l’occasion de dire que la réquisition anglaise ne ressemble nullement à la nôtre : de plus, en Angleterre, cette réquisition s’est faite progressivement et avec un personnel autrement important que celui de la rue Saint-Honoré. « Dans les grandes compagnies de navigation, croyez-vous, a dit M. Bouisson, qu’il n’y a pas des moments où l’on a fait des fausses manœuvres et déroulé des bateaux ? » C’est exact, mais les fausses manœuvres ont été moins fréquentes parce que l’attention des chefs était fixée, non sur 1 500 navires, mais sur un nombre beaucoup moindre. Puis, dans l’industrie, les fautes se paient ; le bilan est là pour les enregistrer. Dans les ministères, elles s’oublient... à moins que leurs auteurs n’en soient récompensés.

Ainsi, sous le rapport des rotations de navires, nous n’avons rien gagné à la réquisition ; et c’est la conséquence logique d’une mesure qui aveugle l’œil du maître. La mesure était-elle du moins commandée par la nécessité de composer les chargements conformément aux besoins des armées et de la nation ? pas davantage. Le plan des chargements, la composition des cargaisons, l’itinéraire même du navire pouvaient facilement être fixés par l’Etat, sans que celui-ci eût besoin de s’attribuer la Hotte. Je reconnais que lorsque M. Bouisson reçut l’investiture de Commissariat des Transports, la question de ce contrôle de la Hotte marchande n’était pas au point. Mais son prédécesseur, M. Lemery, avait entrevu la vérité et il s’apprêtait à réaliser le programme qui convenait à la situation. Les navires étaient placés sous les ordres de l’Etat ; un contrôle du tonnage venait d’être institué, il restait à faire voter le projet de loi réalisant les sanctions contre les armateurs contrevenants pour que le régime des licences produisit le résultat qu’on devait en attendre, étant donné que les licences devaient dicter l’itinéraire, imposer