Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/690

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la composition du chargement, et, enfin, taxer le fret. Pourquoi donc l’Etat s’est-il chargé de cette lourde responsabilité d’exploiter pour son propre compte une flotte qu’il pouvait se contenter de contrôler ? A cela, aucun motif, sinon une raison politique, car c’en est une qui a provoqué la réquisition générale de la flotte.

Ce fut un tort de ne pas prendre-assez à temps les mesurer radicales de contrôle que les éventualités de la guerre nécessitaient. On a ainsi donné quelque poids aux critiques du parti socialiste, qui reprochait au gouvernement son absentéisme. Au moment où la réquisition générale fut adoptée, les armateurs reconnaissaient la nécessité de renforcer l’action gouvernementale. Leur faute fut de ne pas avoir proposé eux-mêmes un programme qui eût été accepté par le Parlement, et fait mettre un des leurs à la tête du secrétariat de la Marine marchande, ainsi qu’on le fit en Angleterre. Ils ont conservé une attitude passive, laissant ainsi le champ libre à la thèse de l’intervention de l’Etat.

Le principal argument des interventionnistes reposait sur l’enrichissement des compagnies de navigation. Si les armateurs se sont enrichis, nous avons eu du moins la consolation de penser que leurs gains ont diminué d’autant notre dette vis-à-vis de l’étranger. Il y a lieu également de considérer qu’une grande partie de la flotte marchande a été réquisitionnée pour les besoins de la marine militaire. Ce n’est même pas avec ce qui leur restait de navires que nos Compagnies de navigation ont réalisé des bénéfices d’ailleurs bien moins élevés que ceux des sociétés maritimes étrangères. L’armement français, encouragé par le ministre de la Marine, s’est rendu acquéreur au début de la guerre d’un tonnage important. Plus tard, quand le transfert de pavillon fut partout interdit, nos armateurs affrétèrent des bâtiments étrangers qui naviguèrent à leur compte, tout en conservant leur nationalité. Ces locations constituèrent leur meilleure source de profits. Que dire, sinon que de telles opérations sont non seulement légitimes mais fructueuses. au point de vue national ? La loi sur les bénéfices de guerre prévoit que toutes les entreprises privées, y compris les Compagnies de navigation, doivent verser au fisc 80 pour 100 de ces bénéfices. Une telle participation du Trésor aux profits de l’armement nous prémunissait contre les conséquences d’un