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d’abord, puis une compagnie, — fut-elle une incroyable surprise. « C’est encore des Anglais, » assura le premier qui les vit. Il fallut déchanter : quand le château fut vidé de son Champagne, et de son cidre le village, la colonne se remit en marche « nach Paris. » Elle n’avait pas eu le temps de détruire. Mais elle laissait au cœur de ces braves gens une horreur sans nom. Ils n’étaient pas préparés à comprendre. Ils ignoraient Charleroi et l’invasion par le Nord.

La Marne les remit d’aplomb. Ils comprirent mieux quand ils aperçurent les cavaliers du général de Lastours qui remontaient vers Noyon. Les Allemands avaient dû se replier plus à l’Est, car on n’en avait point revu au Plessis. Où donc avaient-ils passé ? Hélas ! ils n’étaient pas loin. On les revit à Noyon et, le 16 septembre, on les signalait à Lassigny. Qu’allait devenir le Plessis-de-Roye ? Aucun obus n’y était encore tombé, mais, si les Allemands étaient à Lassigny, n’y viendraient-ils pas mettre un poste avancé ? Qui tiendrait le Piémont et la Petite Suisse ? Resterait-on au cœur de la bataille ? Le 17, un régiment français, le 105e, s’égailla subitement dans le parc, occupa le château et le village. Le 18, il attaqua Lassigny. Pendant deux ans et demi, jusqu’en mars 1917, le Plessis fut la barrière dressée devant l’envahisseur, la ligne passant à la lisière Nord du village, à la Porte Rouge sur la route de Compiègne, et s’incurvant pour contourner le Piémont tombé aux mains de l’ennemi. Car la position fut tenue et gardée, malgré qu’elle fût dominée et. écrasée par les vues et les feux du Piémont. Le château de plaisance s’était mué en château fort : les habits de gala avaient été échangés contre une armure de sentinelle.

Après la Marne avait commencé ce grand mouvement d’enveloppement par l’aile qui devait se poursuivre jusqu’à Nieuport et qu’on a appelé la Course à la mer. La 2e armée (Castelnau), appelée de Lorraine, avait débarqué en hâte dans la région de Compiègne et de Clermont pour marcher immédiatement sur Lassigny, et remonter vers Roye et Chaulnes, donnant à sa droite la main à l’armée Maunoury (VIe) qui atteignait l’Oise et se heurtait aux falaises de l’Aisne. De sévères combats se livrent devant et dans Lassigny, les 21 et 22 septembre. Le 22, Lassigny et ses hauteurs au Nord sont enlevés après une lutte opiniâtre, au cours de laquelle l’ennemi déploie une grande partie des unités appartenant à