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revenons sans tarder au réprime de la liberté de navigation.

Cette éventualité, M. le Commissaire aux Transports maritimes l’a lui-même envisagée pour les lignes de navires postaux qui appareillent encore avec une irrégularité désespérante. Il y aurait intérêt à poursuivre cette opération de façon à revenir au régime normal et à étendre la déréquisition à la totalité de la Hotte marchande, y compris les cargos, selon l’exemple que viennent de nous donner les États-Unis d’Amérique. Car il importe de laisser se renouer sans délai les relations entre nos compagnies et leur clientèle, faute de quoi celles-ci trouveront les places prises quand elles recouvreront leur liberté. Si l’État a pu exploiter la flotte dans des conditions peu économiques quand la concurrence n’existait pas, il lui sera certainement impossible, le jour où celle-ci devient plus âpre que jamais, de se substituer à l’initiative privée dans la recherche du fret et des passagers. Toutes ces opérations commerciales demandent une souplesse et une indépendance qu’une administration d’Etat ne possède point. En laissant plus longtemps entre ses mains l’avenir de nos importations, nous risquons de déterminer un désordre dans la distribution des produits qui amènerait la disette de certaines denrées et, par contre-coup, la fermeture de certaines industries.

C’est le devoir du Gouvernement d’empêcher que des articles de luxe ne prennent le pas sur d’autres qui sont nécessaires à la vie de la population et de s’opposer à l’exagération du taux des frets, mais ne confondons pas le contrôle de l’Etat, qui est utile en pareille matière, avec une intervention dont nous avons démontré les dangers et dont les ménagères qui font actuellement la queue à la porte des boutiques saisiront toute l’étendue. Il ne faut pas se le dissimuler : la France souffre d’une grave crise d’étatisme. Libérons-la de cette occlusion qui risque de congestionner tous ses organes. La déréquisition de la flotte marchande est un des premiers remèdes à lui administrer.

RENE LA BRUYERE.