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du tonnage que nous possédons et notre premier devoir est de le bien exploiter. Il s’agit d’un problème complexe à résoudre. Il ne faut pas seulement améliorer la rotation des bâtiments en mer ou dans les ports, assurer leur chargement rapide, utiliser au maximum le poids et la capacité disponible des soutes. Il importe en outre de sélectionner la matière à transporter, c’est-à-dire de diriger les navires sur les points où le fret est abondant et de choisir sur les quais telle marchandise de préférence à telle autre en appréciant l’urgence de son évacuation, que celle-ci soit requise par l’état périssable de la denrée ou qu’elle le soit du fait de l’urgence des déficits à combler.

Jusqu’ici les nécessités militaires primaient toutes les autres et la priorité des transports était facile à établir. Il suffisait de suivre les plans de commande du Ministère de la Guerre, qui étaient dictés eux-mêmes par les états de besoin des armées. L’application de cette règle impérative a bouleversé tout notre équilibre économique, fondé autrefois sur la loi de l’offre et de la demande. Maintenant, tout le système sur lequel reposaient nos transports demande à être modifié : ce ne sont point les armées combattantes qui doivent en dicter les modalités. Quel est donc le meilleur moyen de connaître les besoins de nos populations, sinon de les laisser s’affirmer eux- mêmes, c’est-à-dire de permettre à la vieille loi de l’offre et de la demande de reprendre tous ses droits ? La judicieuse répartition des produits consommables là où il est opportun de les diriger, est déterminée par mille demandes impondérables des consommateurs. Un ordre de choses conforme à la situation réelle surgit de cette contradiction d’intérêts ; la liberté commerciale est la suprême régulatrice du marché. Il faut y revenir le plus tôt possible.

Un inconvénient grave, en effet, de l’exploitation de la flotte marchande par l’Etat, c’est de confier à des papiers officiels le soin de proclamer l’ordre d’urgence des transports, c’est de donner à des bureaux la faculté d’apprécier les besoins des consommateurs, quand ces besoins se passent d’intermédiaires. Nos plans de chargement ne doivent pas être le résultat d’un compromis entre les états dressés par divers Ministères, mais être imposés par la demande des commerçants et des industriels. Si nous ne voulons pas manquer de certains articles indispensables, quand nous aurons pléthore des autres,