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de Portia, dans le Marchand de Venise, où la clémence est comparée à la douce pluie tombant sur la plaine, deux fois bénie et qui bénit celui qui la donne et celui qui la reçoit... Il y a un livre d’Edmond Biré, où l’on voit un Victor Hugo très attentif à ses petits comptes ; mais Edmond Biré consent que Victor Hugo ait écrit : « Donnez, riches ! l’aumône est sœur de la prière... »

On a des portraits de Shakspeare. L’un d’eux, M. Lefranc l’a vu ; mais il préfère n’en rien dire. Il en rit encore : et, quand on pense que ce fut là l’auteur d’Hamlet ! ... Un autre, M. Lefranc le donne, dans son livre, et l’appelle une « face de bois, véritable masque d’acteur, sans vie ni sentiment, d’une banalité et d’une platitude désespérantes. » Il nous invite à regarder « la forme du front bombé, les cheveux et la manière dont ils sont plantés, la bouche, la moustache, les joues d’une courbe si banale, etc.. cette figure inexpressive et d’une régularité si médiocre : » oh ! le vilain !...Mais on peut aussi facilement le trouver très beau, avec ce front monumental, avec ces yeux extraordinaires, etc. Le mieux est de constater que ce portrait, qui date de 1623 et qui est de sept années postérieur à la mort de Shakspeare, n’a pas du tout la valeur d’un document. M. Lefranc soupçonne, ou paraît soupçonner, que ce n’est là qu’un « masque d’acteur, » un visage de convention. Mais alors, autant vaudrait n’en pas faire état ? Néanmoins, M. Lefranc compare ce vilain Shakspeare au superbe William Stanley, dont la physionomie « donne l’impression de la force, de l’équilibre et d’une rare intelligence, » dont le regard est « empreint de pénétration. » N’insistons pas !

Et Shakspeare avait une mauvaise écriture, Stendhal aussi : mais on n’a pas en dessein de prétendre qu’avec une si mauvaise écriture Stendhal n’a pu composer la Chartreuse de Parme. Tandis que William Stanley, sixième comte de Derby, avait « l’une des plus belles et des plus élégantes écritures qui se puissent rencontrer. » Il y a une Société de Graphologie de France. M. Lefranc communiqua au président de cette Société la graphie de William Stanley. Le président fut dans l’admiration. Le président disait, — et M. Lefranc notait passionnément l’oracle : — « Superbe type d’écriture. Assimilation. Caractère accentué. Grande valeur intellectuelle. Personnalité très élevée... » etc. Cela dure toute une page. Et, si le président n’a pas dit que ce fût là certainement l’écriture d’un homme qui faisait du théâtre sous le nom de Shakspeare, c’est au moins ce que M. Lefranc nous prie de croire. M. Lefranc n’a pas montré, semble-t-il, au président l’écriture de Shakspeare, ou ce qui reste de son écriture, un