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LA FRANCE ET LA SYRIE
NOTRE ŒUVRE DANS LE LEVANT
ET SON AVENIR

Il y a deux régions où la France, au cours des siècles, a poursuivi son expansion avec le plus de persévérance, le pays du Rhin et le Levant. Sur le Rhin, elle a travaillé à regagner pas à pas les frontières que lui assignaient la nature et l’histoire et dont le fatal arrangement de famille de 843 l’avait frustrée. Dans le Levant, où elle n’avait pas à se tracer de frontière, elle a poursuivi une œuvre idéale, une œuvre de civilisation générale, avec un désintéressement qui n’a pas laissé de lui valoir de précieuses récompenses. La diplomatie française n’a jamais perdu de vue impunément ces deux lignes directrices. Après le devoir de reconstituer notre patrimoine territorial et de le fermer aux entreprises germaniques, en avons-nous un plus grand aujourd’hui que de soutenir en Orient, sauf à l’accommoder à des temps nouveaux, ce patrimoine moral, cette propagande de civilisation qui, depuis tant de siècles, y a rendu glorieux et cher le nom français ?

Car il est un pays au monde où, de temps immémorial, la France est aimée d’une affection reconnaissante, où la prédilection générale dont elle y est l’objet atteint, dans certains centres, la ferveur d’un culte. C’est le pays où, dès sa jeunesse héroïque et naïve, elle a été conduite par un élan religieux, entraînant avec elle la chrétienté dont elle a si bien pris la tête que le nom de France en est resté aux Européens, le non de religion franque à la religion des Européens. Ce pays est un