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des plus beaux de la terre. Les noms de ses montagnes et de ses fleuves, consacrés par les souvenirs les plus lointains de l’humanité, chantent dans nos âmes depuis l’enfance avec un charme inexprimable. Et le Français qui de nos jours y aborde, soit qu’après Chateaubriand et Lamartine il se laisse mener par ce tout-puissant enchantement, soit que, diplomate, marin ou soldat, missionnaire ou archéologue, médecin ou ingénieur, industriel ou négociant, il aille, pour sa modeste part, travailler là-bas à l’œuvre séculaire de la France, ce Français-là, si averti qu’il ait pu être, se trouve faire à son tour une découverte, toujours la même : celle de populations intelligentes, ardentes, hospitalières, dans le cœur et la pensée desquelles la France occupe une place qui ne peut se comparer à aucune autre.

Puisque aussi bien les témoignages les plus directs ont le plus de pouvoir, qu’il soit permis à l’un de ceux qui ont été ainsi les hôtes de la Syrie pour le service de la France, qu’il lui soit permis de descendre dans ses souvenirs pour y retrouver la révélation qui s’est faite à lui de la Syrie libanaise quand, il y a bien des années, il y arriva comme consul général de France. Ce que ces souvenirs ont de personnel trouvera peut-être une valable excuse dans le désir de rendre plus sensible aux cœurs la situation morale sans analogue qui est celle de la France au Liban, en Syrie, et, à des degrés divers, dans tout le Levant. C’est l’heure ou jamais de s’en rendre compte, alors que la grande guerre qui, durant quatre années, vient de secouer si durement le monde, a là comme ailleurs, en condamnant sans retour des dominations malfaisantes, posé des questions qui réclament des solutions prochaines.


I. — SOUVENIRS DU LIBAN

Le paquebot qui amenait d’Egypte un nouveau consul général de France en Syrie venait à peine de mouiller devant Beyrouth, au pied de la chaîne du Liban toute blanche des premières neiges, que la rade s’animait d’un mouvement de bienvenue. Une barque s’y distinguait qui, sous pavillon tricolore, amenait au paquebot le personnel du consulat général. Le nouvel arrivant voyait là, parmi de vives physionomies françaises d’autres figures plus rêveuses sous le tarbouch oriental,