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donné l’exemple. Ces Syriens sentent mieux que personne les difficultés particulières que rencontrera dans leur pays la formation d’une société libérale. Ils ne peuvent se dissimuler qu’abandonnés prématurément à eux-mêmes sans avoir presque jamais connu d’autre régime que la domination de conquérants étrangers, ils seraient voués sans remède aux tristes jeux du despotisme et de l’anarchie. C’est pourquoi ils se tournent vers nous que leur naïve prédilection fait les dépositaires de toute sagesse. Tout essai de direction politique et de contrôle administratif entrepris par nous sur des populations où nous ne verrions pas avant tout des frères cadets à respecter et à aimer comme tels se heurterait en France à une résistance de plus en plus déterminée.

L’élévation progressive de nos idées en matière coloniale, les conditions spéciales de la Syrie et ses aspirations, l’idéal d’une politique universelle fondée sur le respect mutuel des peuples, idéal qui au feu de la guerre s’est développé dans l’âme de notre Entente et que le Président Wilson a codifié, tout nous commande d’apporter l’esprit le plus largement libéral dans l’œuvre d’assistance politique à entreprendre. — En ce qui concerne l’ensemble des territoires ottomans libérés, cet esprit a récemment revêtu, dans une déclaration Franco-anglaise, le caractère d’un engagement solennel. « Le but qu’envisagent, dit-elle, la France et la Grande-Bretagne en poursuivant en Orient la guerre déchaînée par l’ambition allemande, c’est l’affranchissement complet et définitif des peuples si longtemps opprimés par les Turcs et l’établissement de gouvernements et administrations nationaux puisant leur autorité dans l’initiative et le libre choix des populations indigènes… La France et la Grande-Bretagne sont d’accord pour aider à l’établissement de gouvernements et d’administrations indigènes en Syrie et Mésopotamie... Assurer une justice impartiale et égale pour tous, faciliter le développement économique du pays en suscitant et en encourageant les initiatives locales, favoriser la diffusion de l’instruction, mettre fin aux divisions trop longtemps exploitées par la politique turque, tel est le rôle que les deux gouvernements alliés revendiquent dans les territoires libérés. » — Si le succès répond à la générosité du programme, ce que le Protectorat a été à la Colonie, demain le sera au Protectorat une sorte de tutelle initiatrice ou de patronat qui pourra, l’expérience aidant, « trouver en Syrie sa formule et son nom.