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Adieu Hénot, adieu Lobert, adieu Lepère ! On se reverra au retour. Et la nuit tombe sur ces exilés qui ont tout perdu, fors la confiance.

Cette confiance s’est même exaltée à mesure qu’ils s’éloignaient de chez eux. Si Lassigny était vide de troupes, et le Plessis, et le Piémont qui se dresse pourtant comme une forteresse, voici des camions qui viennent tout bourres de capotes et de casques bleus. Il en arrive, il en déferle, à Ressons, à Maretz, à Vandélicourt. Sur les capotes on peut lire ces numéros : 97, 159, 319. Et voici des chasseurs à pied : 54e, 56e, 60e, 61e bataillons. La 77e division va prendre position devant Lassigny, la 53e devant Porquéricourt. Nos paysans considèrent nos soldats avec surprise, avec affection. Leurs visages rugueux et tristes se détendent. Si l’on rentrait chez soi, avec eux ? D’autant plus qu’il est resté des poulets, et même un ou deux cochons, sauf votre respect, et des ustensiles de ménage. Il n’est pas mauvais d’être là quand débarquent ces compagnons. Mais la raison est la plus forte : chacun son métier, à ceux-ci de faucher les Boches ; après, il sera temps de moissonner.

Cependant le Plessis-de-Roye va connaître la gloire et devenir immortel.


VI. — LA DIVISION BARBOT

La 77e division, après un long séjour en Alsace, avait été mise au repos dans la région d’Epernay. Le 25 mars, à quatre heures du matin, elle recevait l’ordre d’alerte. À partir de dix heures, elle s’embarquait et roulait dans 700 camions automobiles, hommes, équipements, matériel, mitrailleuses et cuisines roulantes, vers la bataille de France entre Oise et Somme. Le trajet dura vingt heures. La nuit fut très froide : pas de soupe chaude, rien que le petit repas emporté au départ. Fantassins et chasseurs ne dormirent guère : où allait-on ? que se passait-il ? Les nouvelles qui arrivaient par mille voies mystérieuses n’étaient point bonnes. Bah ! on en avait déjà vu bien d’autres, devant Arras et devant Verdun que les Boches n’avaient jamais pu prendre. Le 26, les camions s’arrêtaient dans la région de Lassigny. Dès le débarquement, les régiments et bataillons remis en ordre étaient dirigés vers les hauteurs de l’Ecouvillon et du Piémont, distantes d’une dizaine de kilomètres,