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Et, pour le même exil et le même supplice
Râflant l’Arabe avec le noir,
D’innombrables vaisseaux venaient chaque semaine
Dire au sol africain qu’aucune race humaine
N’est à l’abri du désespoir.


II

LES DEUX CAMPS


Des deux côtés, on lutte, on souffre,
Dans les deux camps la guerre a les mêmes couleurs :
Même bâche grise où le vent s’engouffre,
Et même croix rouge et mêmes pâleurs.

Nos petits canons ressemblent aux leurs :
Même tablier, même étroit calibre.
Mais l’acier d’un canon peut être noble et pur,
Il peut avoir une âme libre
Ou n’être qu’un métal impitoyable et dur.

Derrière les deux fronts, des poings chaussés de moufles
Se raidissent sur des volants.
Mêmes fracas la nuit, mêmes feux, mêmes souffles
D’énormes poids roulants.

Mais le long des pistes de boue
La giration d’une roue,
Le glissement d’un pas
N’ont point un sens pareil ici comme là-bas.

Les empreintes des clous dans l’argile et la glaise
Sont les marques là-bas d’une fureur mauvaise,
Tandis qu’ici, par les chemins.
Traces de lourds souliers et profondes ornières,
Tout proclame l’effort que font sous nos bannières
Les grands rêves humains.
Les soldats chez nous ont le cœur tranquille.
Et les fanges d’hiver, le cambouis et l’huile
Consacrent leurs pieds et leurs mains.