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Tourne plus ivre encore à la clarté des lampes,
La corniche allume ses rampes,
La façade reluit.
Emporte les cœurs, enfièvre les tempes,
Tourne dans la nuit.



Tout s’est tu. Lentement la poussière retombe,
Et le sommeil enfin s’empare des vivants.
Morts, millions de morts, sortez de votre tombe,
Rassemblez-vous, glissez sur les chemins des vents.
Un souffle obscur gémit à l’entour des trophées
Et secoue en passant les lampions éteints.
Appelez-vous dans l’air de vos voix étouffées,
Morts encore sanglants et morts des jours lointains.
La nouvelle a couru dans le monde où vous êtes.
Apportée à midi par les derniers tombés.
Venez, indifférents aux rumeurs de nos fêtes,
Morts chéris, jeunes fronts que la gloire a courbés.
Remontez cette nuit en colonnes profondes
Des forêts et des champs, de la terre et des ondes.
Camarades, amis, disparus à nos yeux,
Mais présents, les égaux de nos plus grands aïeux,
Vous dont un toucher brusque a pendant la bataille
Haussé dans un éclair la figure et la taille,
Avant tous, avant ceux qui reviendront demain.
Graves, heureux, suivis d’une foule en délire,
Vous, les noms effacés qu’on peut à peine lire
Sur les croix de bois noir qui bordent le chemin,
Vous dont aucun tambour ne rythme plus la marche,
Vous, les premiers, passez sous l’Arche !


FRANÇOIS PORCHÉ.