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ALEXANDRE DUMAS PÈRE

II[1]
MOUSQUETAIRES ET AUTRES FANTÔMES

Par ses proportions autant que par sa diversité, l’œuvre de Dumas père échappe à l’examen et se soustrait à l’analyse. L’une de ses parties a été l’objet de si nombreuses controverses qu’il paraît cependant indispensable de s’y arrêter quelque peu : c’est le roman historique, genre créé par Dumas ou, pour dire plus exactement, si complètement renouvelé par lui que ses prédécesseurs en cette voie séduisante, éclipsés par sa maîtrise, ont, pour l’immense majorité, disparu dans les ténèbres de l’oubli.

Bon nombre de gens « dont l’érudition en serait restée sans lui, comme disait Scholl, à l’histoire de Joseph vendu par ses frères, » affectent un dédain superbe pour le roman historique et sourient d’un air de supériorité lorsqu’ils parlent, non sans ironie, de l’histoire à la Dumas. Il est bien certain que, si grande que soit sa sympathie pour l’auteur de la Reine Margot, nul ne poussera le paradoxe jusqu’à prétendre qu’il compte au nombre de nos historiens : lui-même ne réclama jamais ce titre. Ce sont des romans qu’il prétendit écrire et non de l’histoire ; par la façon dont il l’avait apprise, on a pu constater que la méthode lui faisait défaut, et l’on sait de reste qu’il n’était pas homme à rapprocher, à comparer, à critiquer des textes et n’eut jamais l’envie ni le loisir de contrôler par les documents authentiques les racontages de nos chroniqueurs ou de nos mémorialistes… heureusement ! Ce qu’il cherchait dans

  1. Voyez la Revue du 1er février.