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s’était arrêtée aux falaises défendues de l’Aisne. Après les avoir vainement heurtées de front, la bataille courait de l’Aisne à l’Oise, de Lassigny à Roye, de Roye à Péronne, de Péronne à Bapaume, de Bapaume à Arras, avant de remonter encore plus au Nord, vers Ypres et vers les Flandres, et d’atteindre le rivage à Nieuport. Journées tragiques où le moindre retard pouvait compromettre le sort de l’armée et du pays, où les unités se jetaient au combat en descendant des trains, où les hommes Reconnaissaient de repos ni jour ni nuit et ne savaient plus quand ils seraient relevés.

Ainsi l’armée Maud’huy était-elle chargée de tenir Arras et de prolonger la ligne plus au Nord : l’armée anglaise, amenée de la région de l’Aisne, la devait à son tour prolonger. Un même esprit animait chefs et troupes : un Maud’huy, qui dans les camps apparaît comme un magicien, jetant aux soldats, aux hommes, à ses hommes, ses enchantements et sortilèges qu’il tire tous de son cœur ; un d’Urbal, commandant le 33e corps, grand seigneur majestueux et serein dans les pires épreuves ; un Fayolle à la tête de la 70e division, portant sa droiture, son jugement et sa foi dans ses yeux clairs ; un Barbot qui soutient la 77e division, comme un tuteur l’arbre chargé de fruits…

La division Barbot fut chargée de couvrir les avancées d’Arras. Pendant deux mois, elle se battit à peu près tous les jours et toutes les nuits, disputant chaque pouce de terrain et finalement barrant la route à l’ennemi que ses efforts et ses pertes avaient épuisé. Elle se composait de la 88e brigade (colonel Durand de Gévigney) : 97e régiment (commandant Corteys) et 159e (lieutenant-colonel Mordacq), et d’un groupe de bataillons de chasseurs (54e, 57e, 60e et 61e B. C. P.) commandé par le lieutenant-colonel Bordeaux. Mais dès les premiers jours d’octobre, le colonel de Gévigney, qui résistait à la maladie et à la fatigue avec une admirable énergie, dut être évacué, et fut remplacé par le colonel Mordacq, remplacé lui-même à la tête du 159e par le lieutenant-colonel Minart. Celui-ci fut tué le 22 octobre au faubourg Saint Laurent d’Arras : le lieutenant-colonel Desvoyes prit son poste. Octobre et novembre (1914) furent pour ces unités des mois de terribles épreuves. Aux bataillons de chasseurs, quatre chefs de corps furent tués à quelques jours d’intervalle, deux au 54e (les commandants Fournier et Sammarcelli), deux au 57e (les commandants